Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête mercredi sur les crimes de guerre présumés commis depuis janvier 2012 pendant le conflit au Mali, où quelque 800 soldats français sont déployés, a annoncé le bureau du procureur.

« Divers groupes armés ont semé la terreur et infligé des souffrances à la population par tout un éventail d'actes d'une extrême violence à tous les stades du conflit », a déclaré le procureur de la Cour, Fatou Bensouda, dans un communiqué.

« Je suis parvenue à la conclusion que certains de ces actes de brutalité et de destruction pourraient constituer des crimes de guerre au regard du Statut de Rome », le traité fondateur de la CPI, a-t-elle ajouté.

Le président français François Hollande avait engagé « en urgence » les forces françaises pour arrêter la progression de combattants islamistes vers la capitale Bamako et l'armée française bombarde depuis le 11 janvier les bases et les positions des islamistes dans le nord du pays. Les soldats français sont engagés depuis mercredi dans des combats rapprochés.

Le Mali est le théâtre d'une rébellion armée depuis un an, à la suite de l'attaque le 17 janvier 2012 de la base militaire de Ménaka dans la région de Gao, par des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), souligne le bureau du procureur.

Rapidement ralliés par les groupes islamistes Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) et Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, ils avaient profité d'un coup d'État, le 22 mars à Bamako pour prendre possession du nord du Mali. Le MNLA a ensuite été évincé par les islamistes, qui ont mené lapidations et mutilations en vertu de leur interprétation ultrarigoriste de la charia.

Mme Bensouda estime qu'il existe une base raisonnable pour croire que des meurtres, des mutilations, des exécutions sommaires, des pillages et des viols, constitutifs de crimes de guerre, ont été commis sur le territoire du Mali depuis janvier 2012.

De plus, une série d'attaques contre « au moins neuf des 16 mausolées classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, deux des trois grandes mosquées figurant sur cette même liste ainsi que deux monuments historiques de la ville de Tombouctou aurait été délibérément lancée par des membres appartenant au groupe Ansar Dine et éventuellement à AQMI », selon la même source, qui souligne que cela constitue un crime de guerre.

Le bureau du procureur affirme également disposer d'informations sur les personnes qui en seraient responsables.

Cependant, « les informations disponibles à ce jour ne permettent pas à ce stade de conclure que des crimes contre l'humanité avaient été commis », a précisé le bureau du procureur, qui se concentrera sur les crimes commis dans les trois régions au nord du pays, dans un rapport.

Selon le bureau du procureur, le nombre de meurtres a atteint son plus haut niveau en janvier 2012 avec l'exécution présumée de 70 à 153 détenus. Des pillages et jusqu'à 90 cas de viols ou de tentatives de viol ont été signalés fin mars, début avril « quand les groupes armés ont pris le contrôle du Nord », selon ce rapport.

Les crimes commis dans le nord sont attribués à des groupes armés tels que le MNLA, Ansar Dine, MUJAO, AQMI et d'autres milices.

Le Mali, qui avait ratifié le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, dès août 2000, avait déféré à la Cour la situation sur son territoire « depuis le mois de janvier 2012 » . C'est le cinquième pays africain, après l'Ouganda, la République démocratique du Congo, la Centrafrique et la Côte d'Ivoire à demander à la CPI d'enquêter sur des crimes commis sur son territoire.