Grâce aux frappes aériennes françaises, les forces maliennes ont réussi à reprendre Mopti. Mais les rebelles islamistes ont réussi à reconquérir Diabally, en profitant de la proximité de leurs bases en Mauritanie.

«L'armée malienne n'a pas montré une grande capacité de combat jusqu'à maintenant «, indique Edward Hunt, spécialiste militaire à la revue Jane's, joint à Londres. «Il y avait une réorganisation en cours lorsqu'a eu lieu le coup d'État du printemps. Ça a sûrement eu un impact sur l'entraînement et sur le moral des troupes. Il faudra attendre la force d'intervention ouest-africaine qui est en train d'être mise sur pied pour savoir si les frappes aériennes françaises vont vraiment permettre de reprendre le territoire conquis par les islamistes.»

M. Hunt note toutefois que la France applique au Mali des leçons apprises en Libye et en Afghanistan.

« Cette expérience dans la guerre du désert et dans l'appui à des forces amies, mais peu familières avec les tactiques occidentales, sera certainement utile, dit-il. Ils savent notamment comment miner les capacités de l'ennemi de commander, contrôler et communiquer avec ses troupes.»

La force ouest-africaine, qui regroupe des soldats de plusieurs pays de cette région, risque d'être inégale, prévient Gregory Mann, historien spécialiste de l'Afrique de l'Ouest à l'Université Columbia de New York.

« Elle dépendra essentiellement des capacités de surveillance de la France, des États-Unis et des autres pays de l'OTAN qui ont promis des avions et des drones», explique M. Mann, joint à Paris, où il participe à des rencontres sur la crise au Mali.

« Personne dans la région ne peut gagner contre les Touaregs, qui sont très mobiles, dans une guerre du désert, poursuit-il. Les Touaregs laïcistes du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), qui ont promis d'appuyer la France, n'ont aucune capacité militaire et tentent simplement de rester pertinents, dans l'espoir de participer à la solution politique.»

Un nouvel Afghanistan

Yahia Zoubir, politologue à l'école de gestion Euromed Management de Marseille, estime même que l'intervention française pourrait transformer le territoire touareg en Afghanistan. « C'est une intervention précipitée, qui compromet les efforts algériens de séparer les Touaregs islamistes de l'Ansar Dine des terroristes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO)», explique M. Zoubir, qui participe cette fin de semaine à une conférence de l'ONU sur le Mali à Addis Abeba.

« Sur le plan de la politique française, c 'est très réussi. L'opposition et le public appuient Hollande. Mais je crains qu'il n'y ait des victimes civiles si les islamistes se cachent dans les villes et les villages, et que ça ne radicalise les Touaregs de toute la région.»

Déjà, le MUJAO a affirmé qu'il allait « frapper le coeur de la France» et que le Mali serait équivalent pour la France à l'Afghanistan et la Somalie, selon les agences.

Susanna Wing, une politologue de l'Université Haverford, à Los Angeles, qui a publié en 2008 Constructing Democracy in Africa : Mali in Transition, estime que la comparaison avec l'Afghanistan est exagérée.

« L'Afghanistan est devenu ainsi parce que le Pakistan appuie les talibans, dit Mme Wing. Aucun des voisins du Mali n'appuie les islamistes. Par contre, il est vrai qu'ils doivent composer avec des minorités touarègues qui ont menacé de s'allier avec les Touaregs du Mali. Par exemple, la Mauritanie ne peut pas vraiment contrôler ses Touaregs elle-même. Il faudrait que des soldats français s'installent sur la frontière pour les empêcher d'aller au Mali. Et c'est une grande frontière.»

Quand elle faisait ses recherches pour son livre, Mme Wing a pu constater les débuts de la radicalisation de l'islam touareg. « Il y avait dans le nord du Mali des écoles islamistes financées par l'Arabie saoudite et des missionnaires pakistanais, dit-elle. Les gens en parlaient beaucoup.

Le chef d'Ansar Dine, Iyad ag Ghali, a été posté en Arabie saoudite quand il s'est rallié au gouvernement malien, il y a une dizaine d'années. Mais personne n'aurait pu se douter que l'islam conservateur aurait autant de succès.»

L'offensive islamiste contre la ville de Mopti a forcé les organisations humanitaires à interrompre leurs soins aux réfugiés qui s'y trouvaient. «La situation est très confuse, dit Évelyne Guindon, vice-présidente chez Care. On ne savait même pas de combien de personnes on s'occupait à Mopti. Il y avait déjà des carences nutritionnelles graves.» Care s'est repliée sur Ségou, à mi-chemin vers Bamako. Les combats ont fait depuis le printemps 350 000 réfugiés, dont 150 000 se trouvent dans les pays voisins.