L'un des pionniers de la piraterie somalienne moderne, Mohamed Abdi Hassan, alias «Afweyne» («Grande Gueule» en somalien), puissant chef pirate à l'origine de captures très spectaculaires, a annoncé sa retraite à l'issue de huit ans de forfaits extrêmement lucratifs.        

«Grande gueule» est resté muet sur les raisons l'ayant poussé à se ranger, mais, pour les pirates, la saison 2012 a été marquée par une raréfaction des prises, due au renforcement de la sécurité internationale dans l'Océan Indien.

«Après avoir été pirate durant huit ans, j'ai décidé de renoncer et d'abandonner la piraterie», a-t-il déclaré mercredi soir, lors d'une cérémonie officielle en présence d'autorités locales à Adado, localité du centre de la Somalie, dont les alentours constituent un repaire de pirates.

«J'ai également encouragé plusieurs de mes collègues à s'arrêter et ils l'ont fait», a-t-il assuré, selon des propos rapportés à l'AFP par un chef coutumier, Ahmed Ali Moalim, membre de l'administration locale présent à la cérémonie.

Physiquement, «Grande gueule» tient plus de l'homme d'affaires que du flibustier ou du vieux loup de mer. Barbe taillée et lunettes de vue Ray-Ban sur le nez, il est vêtu à l'occidentale, chemise blanche col ouvert et veste de costume sombre.

Deux des captures les plus spectaculaires de la piraterie moderne somalienne lui sont pourtant attribuées. Celle en septembre 2008 du Faina, un cargo ukrainien chargé d'armes, notamment des chars d'assaut, systèmes de défense anti-aérienne, lance-roquettes et munitions.

Et surtout, deux mois plus tard, celle du superpétrolier saoudien Sirius Star, mastodonte long de 330 mètres et transportant deux millions de barils de brut, une cargaison évaluée à 100 millions de dollars.

Les deux navires avaient été libérés respectivement en février et janvier 2009 après versement de rançons de plusieurs millions de dollars chacune.

Le Groupe de contrôle de l'ONU sur la Somalie et l'Érythrée décrivait en juin 2012 «Afweyne» comme «l'un des dirigeants les plus notoires et les plus influents du réseau de piraterie Hobyo-Harardheere» basé dans la région centrale du Mudug, l'une des deux principales organisations pirates somaliennes.

Passeport diplomatique

Ce rapport accusait des chefs pirates, dont «Afweyne», de bénéficier de complicités et protections à haut niveau au sein des autorités somaliennes, révélant que ce dernier voyageait avec un passeport diplomatique somalien.

Ses auteurs précisaient que la présidence somalienne leur avait fait savoir que ce statut diplomatique lui avait été accordé en échange du démantèlement de son réseau de piraterie.

Selon une source proche du dossier, «Afweyne» pourrait désormais se consacrer au commerce légal du khat, une plante euphorisante très prisée dans la Corne de l'Afrique, activité dont il est déjà l'un des principaux acteurs dans le centre de la Somalie.

Les actes de piraterie au large de la Somalie ont chuté l'an dernier à leur plus bas niveau depuis 2009, selon le dernier rapport du Bureau maritime international (BMI), essentiellement en raison des missions internationales antipiraterie dans l'Océan Indien et du renforcement de la sécurité armée à bord des navires marchands.

Selon la Force navale de l'UE (EUNAVFOR), en 2012, cinq attaques seulement ont été couronnées de succès sur 35 recensées, contre 176 attaques menées et 25 réussies l'année précédente.

Au 31 décembre 2012, huit navires et leurs 139 membres d'équipage étaient néanmoins toujours aux mains de pirates somaliens, selon le BMI, l'EUNAVFOR évoquant elle 108 otages.

«Notre mission est de lutter contre la piraterie et tout ce qui réduit les attaques est bienvenu», a sobrement réagi un porte-parole d'EUNAVFOR interrogé par l'AFP sur la retraite d'Afweyne.

Si la piraterie a historiquement été endémique au large des côtes somaliennes, celle-ci s'est muée en industrie florissante à la faveur du chaos dans lequel a sombré la Somalie, privée d'autorité centrale depuis 1991.

Au milieu des années 2000, les pirates, de mieux en mieux équipés et s'aventurant de plus en plus loin du golfe d'Aden, étaient apparus comme une menace sérieuse pour un autre axe maritime majeur vers le cap de Bonne Espérance à destination de l'Europe et des États-Unis, poussant la communauté internationale à déployer des forces navales de protection.