Le nord du Mali, aujourd'hui contrôlé par des groupes islamistes, a d'abord été le théâtre d'une rébellion touareg, communauté minoritaire dans la région. Les plus nombreux, sur ce territoire, sont plutôt les Songhaï. Les membres de cette ethnie s'estiment laissés-pour-compte.

Le nord du Mali est pauvre et délaissé par le pouvoir central depuis des années. La corruption des élites en place et la mauvaise représentation des régions du Nord au sein des institutions nationales font consensus dans toutes les communautés. C'est ce qui a poussé les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) à prendre les armes.

Pourtant, la rébellion touareg est aujourd'hui à la source d'un fort ressentiment parmi les Songhaïs, qui ne s'associent pas à la revendication indépendantiste et sont attachés à l'intégrité territoriale de l'État malien.

«Nous voulons être traités de la même manière que ceux qui ont pris les armes contre le Mali», revendique Abderrhamane Touré, président de Zasya, une organisation qui représente les Songhaïs du nord du Mali. «Nous demandons que nos communautés soient interrogées et écoutées par l'État. Le gouvernement nous ignore!»

Il déplore que les Touareg monopolisent l'attention alors que les Songhaï forment la communauté sédentaire majoritaire sur ce territoire deux fois grand comme la France. Malgré l'absence de statistiques officielles fiables, il est admis que les Songhaï sont les plus nombreux, devant les Touareg, pour la plupart nomades. Ces derniers occupent en revanche la plus grande partie du territoire, qui compte aussi une importante communauté arabe, ainsi que d'autres minorités.

Le 6 avril 2012, le MNLA a proclamé l'indépendance du Mali du Nord. Quelques semaines plus tard, des groupes islamistes en ont à leur tour pris le contrôle, en chassant les indépendantistes touareg.

Parmi les ressortissants du Nord, la colère gronde. Plusieurs communautés se sont ainsi dotées de milices dites d'«autodéfense». La plus importante et la plus ancienne, la milice songhaïe, Gandakoye, existe depuis la rébellion touareg de 1990.

Younous Touré, anthropologue, en est le secrétaire général. «Les milices se préparent», affirme-t-il posément. Il explique que près de 2000 jeunes seraient actuellement formés «à la guerre et à l'autodéfense civique». Ces milices ne sont cependant pas en mesure de rivaliser avec les groupes islamistes. «Nous ne voulons pas prendre les armes seuls, dit-il. Mais si l'armée intervenait, nous serions là.»