Le sud-est du Kenya a encore été frappé mercredi à l'aube par une attaque à caractère tribal qui a fait au moins neuf morts, à peine deux mois avant des élections générales dont les observateurs redoutent qu'elles débouchent sur des violences.

Selon la police et la Croix-Rouge kényanes, l'attaque a opposé des membres des communautés orma et pokomo, comme à plusieurs reprises depuis août dans la même région, celle du delta de la rivière Tana.

Le chef de la police kényane, David Kimaiyo, a immédiatement annoncé l'envoi d'une équipe sur place pour «déterminer exactement ce qui s'est passé et poursuivre les agresseurs».

Un premier bilan policier faisait état de huit morts, neuf blessés et de maisons brûlées. Mais la Croix-Rouge a, par la suite, annoncé la mort d'une neuvième personne, ayant succombé à ses blessures.

Toujours selon la Croix-Rouge, le village de Nduru, attaqué un peu avant 6 h mercredi (22 h mardi, heure de Montréal) , était peuplé d'Ormas.

«Deux des agresseurs figurent parmi les morts,» a ajouté l'un de ses responsables, Caleb Kilunde. Certains blessés souffraient «de profondes entailles à la tête,» a-t-il poursuivi, indiquant que la situation restait explosive : des rumeurs de revanche circulaient mercredi.

Dans l'après-midi, alors que la communauté orma enterrait ses morts, des villageois en colère ont d'ailleurs brûlé les cadavres des deux agresseurs tués dans l'attaque, a encore précisé la Croix-Rouge. «Ils ont empêché la police d'emmener les corps (...) ils les ont réduits en cendres,» a affirmé M. Kilunde.

En décembre, un affrontement, dans la même région, entre Ormas - essentiellement des éleveurs - et Pokomos - majoritairement des agriculteurs - avait fait au moins 45 morts. Auparavant, entre mi-août et mi-septembre, une centaine de personnes avaient été tuées dans une succession d'attaques de villages et d'opérations de représailles entre ces deux communautés.

Les rivalités sont ancestrales autour des pâturages ou des points d'eau entre Ormas et Pokomos. Mais les observateurs et les habitants de la région estiment que les récentes violences se distinguent des anciens différends.

Climat délétère

La police n'a pas vraiment expliqué les causes des nouvelles attaques, mais s'interroge sur un possible lien avec les élections générales prévues le 4 mars au Kenya.

En décembre, le ministre de la Sécurité intérieure Katoo Ole Metito, en visite dans la région, avait mis en garde la classe politique contre toute instrumentalisation des rivalités ethniques. «Nous n'allons pas rester assis et regarder les politiciens inciter les communautés à la violence,» avait-il dit.

En mars, les Kényans voteront pour élire leur nouveau président, leurs députés et sénateurs, mais aussi leurs gouverneurs et conseillers municipaux. Or, depuis les derniers scrutins, un redécoupage électoral a modifié les rapports de force politico-ethniques un peu partout dans le pays.

Et nombre d'observateurs craignent aujourd'hui que les élections ne débouchent, comme les précédentes, sur des violences à grande échelle.

Fin 2007, la dernière élection présidentielle kényane, qui avait vu la réélection contestée du président Mwai Kibaki face à Raila Odinga, avait débouché sur les plus graves violences ethniques du pays. Plus de 1000 personnes avaient été tuées et des centaines de milliers d'autres déplacées.

Les violences avaient cessé après une médiation internationale. Un gouvernement de large coalition, finalement dirigé par M. Odinga, avait vu le jour.

La bataille pour la présidence kényane cette année devrait opposer une dizaine de candidats, parmi lesquels deux figures de la politique kényane et acteurs clés de la dernière crise : M. Odinga, de nouveau candidat, et Uhuru Kenyatta, fils du père de l'indépendance Jomo Kenyatta, mais surtout inculpé par la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans les violences de fin 2007 et début 2008.

Les observateurs ne lient pas nécessairement toutes les récentes violences ethniques aux élections à venir. Mais, quelles qu'en soient leurs causes, ces attaques créent un climat délétère dans le pays à l'approche d'un scrutin à haut risque.