La crise sans précédent que traverse depuis près d'un an le Mali, dont le Nord est occupé par les islamistes armés, a d'énormes répercussions économiques et sociales, notamment à Bamako, capitale en partie désertée par les étrangers où le chômage s'accroît et où les prix flambent.

«L'économie malienne traverse une période difficile. Déjà en difficulté à cause de la très mauvaise récolte de 2011-2012, elle a beaucoup souffert du coup d'État de mars 2012 et de ses retombées», notait récemment le Fonds monétaire international (FMI) à l'issue d'une mission de deux semaines à Bamako.

Dans le sillage du putsch du 22 mars qui a renversé le président Amadou Toumani Touré, des groupes islamistes armés ont pris le contrôle du nord du pays, suscitant l'inquiétude croissante de la communauté internationale.

«L'occupation du nord du pays a fortement perturbé la production agricole et le commerce. La détérioration de la situation en matière de sécurité a provoqué une chute des voyages d'affaires au Mali», selon le FMI, qui ajoute: «Les secteurs du commerce, des hôtels et des restaurants ont été durement touchés».

Alors que le FMI prévoit un recul du produit intérieur brut (PIB) malien de 1,5% cette année, le président américain Barack Obama a décidé de retirer au Mali son statut de partenaire commercial privilégié des États-Unis, en raison du recul de la démocratie dans ce pays.

La crise économique, à Bamako, n'épargne personne et le taux de chômage y est de 17,3%, selon l'Institut national des statistiques (Instat).

Le secteur tertiaire, en forte récession en 2012 (-8,8%, selon l'Instat), est le plus touché. Les licenciements économiques ont fait un bond au dernier trimestre 2012, particulièrement dans l'hôtellerie: hommes d'affaires et touristes ne viennent plus à Bamako, les expatriés quittent la ville.

«Les employeurs sont arrivés au bout des systèmes préconisés pour maintenir les emplois en cas de crise: congés anticipés, chômage technique ou partiel», explique Salif Bagayoko, directeur régional à l'inspection du travail.

À l'Association d'appui à la promotion des aides familiales (Apaf), des femmes à la recherche d'un emploi de domestique affluent du matin au soir, revoient leurs prétentions salariales à la baisse en dépit d'une hausse du coût de la vie qui touche, d'abord, les foyers les plus modestes.

«On travaille à perte»

Les prix du carburant, du gaz, et les produits de première nécessité sont parfois passés du simple au double.

Certaines travaillaient pour des coopérants étrangers qui sont partis, pour un salaire déjà peu élevé, de l'ordre de 80 000 FCFA (122 euros). Aujourd'hui, «même 35 000 FCFA (53 euros) conviendraient» à Aïssa Camara, veuve de 42 ans, qui a perdu son travail en février.

L'industrie est également touchée: 20% des usines de la capitale ont fermé et 60% ont recours au chômage technique, selon M. Bagayoko.

«Depuis mars, on travaille à perte», explique Alioune Badara Diawara, administrateur général adjoint de Batex-ci, une usine textile. «Les commandes sont là, grâce aux pays de la sous-région. Mais le coton, notre matière première, ne nous est plus livré depuis plus de deux mois: l'entreprise qui le produit est à bout de souffle», dit-il.

«Les vrais martyrs, c'est nous», juge Gaoussou Kantako, artisan bijoutier depuis 1993 au marché de N'Golonina à Bamako. Visage fermé, il explique: «On peut faire trois, quatre jours sans voir un client».

«Les consignes données aux rares étrangers d'éviter de sortir ont eu raison de l'artisanat local. Certains artisans sont découragés, ils restent à la maison, ou alors ils sont partis travailler dans les mines d'or», affirme l'artisan.

Quelque 120 de ses collègues, soit plus de la moitié, ont quitté le marché ces derniers mois, selon lui.

Dans le secteur des transports, la compagnie nationale Air Mali n'a pas pu résister et a suspendu lundi ses activités pour neuf mois. «On prévoyait l'équilibre pour 2013, mais le coup d'État a tout changé», indique Souleymane Sylla, responsable administratif et financier de l'entreprise dont les 66 salariés ont perdu leur emploi à la veille de Noël.