Le président français François Hollande a été accueilli par une foule en liesse à Alger où il entamait mercredi une visite d'État de 36 heures avec la volonté d'ouvrir une nouvelle page dans les relations politiques et économiques entre la France et l'Algérie.

Des milliers d'Algérois ont acclamé le chef de l'État français et son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika qui ont emprunté à pied sur plusieurs centaines de mètres le boulevard du front de mer d'Alger, pavoisé aux couleurs de leurs deux pays.

Youyous, groupes folkloriques et gardes d'honneur traditionnelles à cheval tirant à blanc dans le ciel d'Alger ont accompagné la progression du cortège au milieu d'une nuée de gardes du corps, tandis que du riz et des pétales de fleurs étaient lancés depuis les balcons des splendides immeubles haussmanniens qui bordent ce célèbre boulevard.

Jamais le président français n'avait été accompagné à l'étranger d'une délégation aussi nombreuse : près de 200 personnes dont neuf ministres, une douzaine de responsables politiques, une quarantaine de patrons, des écrivains, des artistes parmi lesquels le comédien né en Algérie Kad Merad, très populaire en France, et une centaine de journalistes.

Cinquante ans après avoir conquis leur indépendance, les Algériens sont une large majorité à souhaiter une normalisation des relations avec l'ancienne puissance coloniale : 57 % d'entre eux se sont dits favorables à une relation «exemplaire» avec la France, selon un sondage publié mercredi par le quotidien francophone Liberté.

Pour El-Watan, le plus gros tirage francophone d'Algérie, cette visite doit apaiser «enfin, les mémoires encore douloureuses».

Sur l'autre rive de la Méditerranée, les avis restent cependant partagés : 35 % des Français pensent que François Hollande ne doit «en aucun cas» présenter les excuses à l'Algérie pour la colonisation, 13 % jugeant qu'il doit le faire et 26 % à «condition que l'Algérie présente des excuses au sujet des pieds noirs et des harkis».

Déclaration conjointe

À l'extrême droite, Louis Aliot, vice-président du Front national, a estimé que «toute repentance exprimée par le président de la République sera considérée comme une atteinte à la mémoire» des militaires tombés lors de la guerre d'Algérie.

Jacques Chirac avait également été accueilli dans la liesse en 2003 et 2004. Mais l'année suivante, une loi mentionnant «le rôle positif» de la colonisation avait durablement plombé les relations franco-algériennes. Quant à Nicolas Sarkozy, il avait séduit les Algériens en décembre 2007, mais la réception dans la foulée de sa visite d'associations de Harkis avait rompu le charme.

François Hollande et Abdelaziz Bouteflika tenteront donc de tourner la page de ces espoirs déçus par une «déclaration conjointe» qui devait être signée mercredi, à défaut d'un traité d'amitié.

Devant les deux chambres du Parlement algérien réunies, le président Hollande entend poser jeudi «un regard lucide» sur le passé, celui de 132 années de colonisation française et d'une guerre d'indépendance meurtrière.

Le chef de l'État algérien a dit attendre de la visite du président français un «partenariat d'exception» tandis que Paris souhaite nouer à cette occasion «un dialogue politique sur les grands enjeux internationaux», à commencer par le Mali. La France voudrait obtenir l'appui de l'Algérie à une intervention internationale dans le nord de ce pays, contrôlé par des islamistes radicaux.

«L'Algérie et la France vont procéder à la signature de 7 à 8 accords touchant plusieurs secteurs, dont la défense, l'industrie, l'agriculture, la culture, l'enseignement et la formation», a indiqué pour sa part le premier ministre algérien Abdelmalek Sellal.

L'un d'eux, âprement négocié, portera sur la construction près d'Oran (Ouest) d'une usine de montage de Renault susceptible de produire à compter de 2014 au moins 25 000 véhicules par an.