Des groupes rebelles centrafricains ont pris et pillé mardi la ville minière de Bria (centre) et menacent désormais le régime de François Bozizé, après plusieurs années de relative accalmie depuis les accords de paix signés à partir de 2007.    

Après des attaques sur Ndélé (nord) la semaine dernière, les rebelles de la coalition Séléka ont attaqué à l'aube et pris Bria, ville de 30 000 habitants dans la principale zone diamantifère du centre, et une base des Forces armées centrafricaines (FACA).

Selon le Bureau d'étude et de contrôle du diamant et de l'or (BECDOR), la Centrafrique produit environ pour 65 millions de dollars de diamants par an, dont 10 à 15 % proviennent de la zone de Bria où la production reste artisanale.

Coalition de plusieurs factions, le Séléka («alliance») menace de renverser le gouvernement du président François Bozizé, en exigeant «le respect» de différents accords de paix signés entre 2007 et 2011.

Ces accords prévoyaient notamment le désarmement et la réinsertion des combattants, mais un de ses membres a récemment affirmé que «rien n'a été fait pour (les) sortir de la misère».

D'après le Haut-Commandement militaire, les rebelles «se livrent à des pillages de magasins et sont suivis par certains habitants qui profitent des pillages» à Bria.

Jointe par téléphone, une habitante de Bria, Christelle Padoundji, 28 ans, affirme que «les rebelles contrôlent en ce moment la ville. Les habitants qui le peuvent l'ont déjà quittée. Ceux qui sont restés sont terrés chez eux.»

«Les FACA ont promis (...) de se réorganiser et de lancer une contre-attaque. Ma femme a des douleurs d'accouchement, mais je ne peux pas l'amener à l'hôpital parce que je ne sais pas quand ça peut repartir», témoigne Médard Kianda, 51 ans, exploitant de diamants

Le Séléka a parcouru quelque 300 km depuis Ndélé vers le sud-est pour rallier Bria. S'il reste toutefois encore à distance de la capitale Bangui, située à plus de 400 km, il fait planer une vraie menace de déstabilisation du pays, la fragilité des FACA n'étant plus à démontrer.

Selon des sources militaires concordantes, l'armée régulière «a opéré un repli» vers Bambari (centre-sud), place forte de l'armée.

Cette débandade survient une semaine après les attaques de Ndélé qui ont aussi vu les FACA se replier avec un bilan de 14 morts et une quarantaine de disparus dont on ignore s'ils sont prisonniers ou en fuite.

«Tel que c'est parti, seule une intervention étrangère peut sauver le régime. Sinon c'est la catastrophe assurée», estime un officier supérieur qui témoigne sous couvert de l'anonymat de l'état d'esprit qui règne au moins au sein d'une partie des troupes : «Le renversement du régime n'est qu'une question de temps. La division, la haine, le népotisme, le clanisme, le tribalisme ont un impact sérieux sur le moral des troupes. Personne ne veut servir de chair à canon», poursuit-il.

La coalition Séléka a été créée en août par une aile dissidente de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), auteur de plusieurs attaques au nord de Bangui depuis septembre, et la Convention patriotique pour le salut wa kodro (CPSK) du «général» Dhaffane Mohamed Moussa.

La faction dissidente de l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) à l'origine des violents combats de Ndelé depuis le 10 décembre, vient d'y adhérer.

Pour l'universitaire, Isidore Mbamo, «il faut voir dans les attaques rebelles de ces jours-ci des velléités de révolte d'une bonne partie de la population, même si cela ne se dit pas encore de façon unanime. C'est en réalité une insurrection qui prend forme progressivement et qui est loin de s'arrêter».

«Et il est à craindre qu'on ne revienne à la case de départ, comme en 2003 puisque les jeunes désoeuvrés, démunis, ou les ex-combattants en attente de réinsertion, peuvent être tentés de se joindre à cette sorte d'insurrection susceptible de faire tomber le régime en place», conclut-il.

La Centrafrique était engagée depuis 2008 dans un processus de paix après des années d'instabilité marquées par de multiples rébellions, mutineries militaires et putsch qui ont ravagé son tissu économique et social.

L'actuel chef de l'État, le général François Bozizé, a pris le pouvoir par un coup d'État en 2003, avant d'être élu président en 2005, puis réélu en janvier 2011.