Les policiers ont poursuivi leur déploiement dimanche dans Goma, 24 heures après le repli des rebelles du M23 de cette ville stratégique de l'est de la République démocratique du Congo, mais l'attaque d'un camp proche de déplacés a très vite rappelé l'insécurité persistante dans laquelle vivent les civils.

En fin d'après-midi, l'armée, dont le retour avait été annoncé pour dimanche, n'était pas arrivée dans la capitale du Nord-Kivu, et n'était désormais plus attendue avant lundi après-midi.

Signe de la situation sécuritaire précaire qui régnait encore dans la zone quelques heures après le retrait des rebelles, un camp de déplacés situé à une dizaine de km de Goma, dans le village de Mugunga, s'est fait attaquer dans la nuit de samedi à dimanche.

Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) n'a signalé aucun mort, mais des cas de viols et de pillages lors de l'attaque par des hommes armés non identifiés.

Les rebelles du M23, des mutins qui combattent l'armée régulière de RDC depuis environ huit mois dans la riche province minière du Nord-Kivu, ont accepté de se retirer de Goma et de ses environs après une forte mobilisation internationale, notamment des pays voisins des Grands Lacs, et en échange d'une promesse de dialogue -- délicat-- avec Kinshasa.

Ils se sont engagés à se retirer vers les positions qu'ils occupaient avant leur récente offensive sur Goma, plus au nord, dans le territoire du Rutshuru.

Depuis leur départ, des centaines de policiers de RDC ont repris du service dans les rues de Goma, avec mission de «sécuriser» la ville.

Un peu plus de 160 policiers sont arrivés dimanche matin au port de Goma, en provenance, via le lac Kivu, de Bukavu, à une centaine de km plus au sud. Ils sont venus s'ajouter à un contingent de quelque 300 policiers arrivés dès vendredi.

Geoffrey Muheesi, un membre ougandais d'un mécanisme de vérification régional, chargé notamment d'observer le retrait de la rébellion, a expliqué le retard des militaires en raison du long trajet à parcourir par route par l'armée.

En attendant, dans les rues de Goma, les bâtiments désertés de l'armée servaient encore surtout dimanche de terrain de jeu à des enfants. Au QG déserté d'un régiment d'infanterie, un groupe de jeunes garçons traînait dimanche au milieu d'un amas de documents déchirés, de paquets de préservatifs et de balles.

Radio Okapi brouillée

Dans le camp attaqué dans la nuit, les déplacés attendaient nerveusement une distribution de nourriture.

«Ceux qui ont été pillés, surtout, sont énervés, ils ne veulent pas nous parler,» a glissé Egide Sumusaza, un membre de l'ONG Caritas, en charge de la distribution de nourriture.

Selon le responsable du camp, Eraston Ngulu Ndibito, les hommes armés qui ont attaqué le camp portaient «des mitraillettes et des lance-roquettes». Lui-même a parlé de «six cas de viols».

Des vivres -- une distribution de nourriture venait d'avoir lieu --, des téléphones, de l'argent et des habits ont aussi été volés, a-t-il ajouté, affirmant que des adolescents avaient été emmenés pour porter le butin.

«J'ai porté de la farine et une valise,» a témoigné un jeune homme de 15 ans, revenu au camp après avoir été réquisitionné pour transporter les marchandises. «Si on ne marchait pas bien, ils nous frappaient,» raconte-t-il. Il dit aussi que certains, «qui ne voulaient pas obéir», ne sont pas rentrés.

Par ailleurs, Kigali a fait état dimanche soir d'une attaque de rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) basés dans l'est de la RDC.

«Le FDLR  a attaqué un camp de rangers d'une réserve  naturelle à Kinigi, près de la frontière mais a été repoussé», a affirmé la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo dans un message posté sur Twitter.

Le M23 avait pris Goma le 20 novembre, et d'autres localités des environs dans la foulée.

Le mouvement est composé d'ex-rebelles essentiellement tutsi congolais, qui avaient été intégrés à l'armée de RDC en 2009 à l'issue d'un accord de paix avec Kinshasa. Ils se sont mutinés en avril, estimant que le gouvernement n'avait jamais pleinement respecté ses engagements.

Dimanche, le porte-parole du gouvernement de RDC, Laurent Mende, a assuré que le président Joseph Kabila allait désormais écouter leurs «griefs (...) incessamment».

Les pourparlers s'annoncent cependant délicats pour le pouvoir. Longtemps, le gouvernement a catégoriquement exclu toute négociation avec les rebelles et rechigne encore à employer le terme même de négociation.

Signe de la tension qui règne à Kinshasa, la diffusion de Radio Okapi, une radio nationale parrainée par l'ONU, a été brouillée dans la capitale, un fait inédit depuis le lancement de la station il y a dix ans.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la Communication congolais a justifié sa décision par le refus d'Okapi de lui «remettre son cahier des charges dans le cadre du passage à la télévision numérique terrestre».

Mais pour l'un des rédacteurs en chef de la station, qui s'exprimait sous couvert d'anonymat, la mesure intervient surtout après la diffusion, jeudi, d'une «interview de Jean-Marie Runiga», le chef politique du M23.