La Cour pénale internationale (CPI) a rendu public jeudi un mandat d'arrestation contre la femme de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, accusée de crimes contre l'humanité. C'est la première fois que la CPI met une femme en accusation depuis sa création, il y a dix ans.

La CPI a indiqué avoir délivré un mandat d'arrestation contre Simone Gbagbo le 29 février. Elle est notamment accusée de meurtre, de viol et de persécution.

Son mari, Laurent Gbagbo, qui fait l'objet d'accusations similaires, est actuellement détenu à La Haye, où siège la CPI. Il avait refusé de céder le pouvoir à son adversaire, Alassane Ouattara, après sa défaite à la présidentielle en 2010, déclenchant plus de six mois d'affrontements qui ont fait près de 3000 morts.

Si Simone Gbagbo devait être extradée à La Haye, elle pourrait faire face à la justice avec son mari, dans ce qui constituerait un procès sans précédent pour un couple accusé de crimes contre l'humanité.

Mais un haut responsable du gouvernement du président Alassane Ouattara, qui a réclamé l'anonymat parce qu'il n'était pas autorisé à s'adresser aux journalistes, a déclaré que la Côte d'Ivoire avait déjà informé la CPI qu'elle n'extraderait pas Simone Gbagbo à La Haye.

«Nous les avons avisés il y a longtemps», a dit ce responsable.

La procureure en chef de la CPI, Fatou Bensouda, a exhorté le gouvernement ivoirien d'extrader la femme de l'ancien président.

«Les crimes commis dans la foulée de l'élection présidentielle de 2010 ne se sont pas produits par hasard. Ils ont été planifiés et coordonnés aux plus hauts niveaux politiques et militaires, et tous ceux qui détenaient les plus grandes responsabilités doivent répondre de leurs actes», a dit Mme Bensouda dans un communiqué.

Elle a précisé que les procureurs continuaient d'enquêter sur les crimes commis par les deux camps lors des violences postélectorales. La CPI pourrait délivrer d'autres mandats d'arrestation contre d'autres responsables, a-t-elle dit.

«Les enquêtes sont objectives, impartiales et indépendantes, et elles sont conduites conformément à la loi», a ajouté la procureure.

Les autorités ivoiriennes ont placé Simone Gbagbo, 63 ans, en résidence surveillée dans la ville d'Odienne, dans le nord de la Côte d'Ivoire. La semaine dernière, le procureur ivoirien Noël Djé Enrike Yahau avait déclaré que des avocats avaient interrogé Simone Gbagbo pendant deux jours et qu'elle faisait face à des accusations de génocide, de crimes sanglants et de crimes économiques devant la justice ivoirienne.

La publication du mandat d'arrestation délivré il y a près de neuf mois semble être une tactique de la CPI pour faire pression sur le gouvernement Ouattara afin qu'il extrade Simone Gbagbo.

Si les autorités ivoiriennes veulent la juger dans le pays, elles devront convaincre la CPI que Simone Gbagbo répondra aux mêmes crimes que ceux reprochés par la justice internationale. La CPI est une juridiction de dernier recours et ne juge que les suspects de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité provenant de pays qui ne peuvent pas ou ne veulent pas les juger.

L'acte d'accusation de la CPI qualifie Simone Gbagbo d'«alter ego de son mari» ayant le pouvoir de prendre des décisions d'État. La CPI affirme détenir des preuves montrant qu'elle a «ordonné aux forces pro-Gbagbo de commettre des crimes contre des individus qui représentaient une menace pour le pouvoir de son mari».

Laurent Gbagbo est devenu l'an dernier le premier ancien chef d'État à être détenu par la CPI, après son extradition par le gouvernement ivoirien.

La Côte d'Ivoire n'est pas membre de la CPI, mais elle a volontairement accepté sa juridiction.