La lutte contre la contagion dans l'épidémie de fièvre hémorragique Ebola qui touche le nord-est de la République démocratique du Congo se heurte aux traditions et aux coutumes locales qui encouragent la proximité des familles auprès des malades et des défunts.

Cette maladie inguérissable qui touche depuis plusieurs mois la région d'Isiro dans le nord-est de la RDC a fait 36 victimes répertoriées. Elle se transmet par contact direct avec le sang, les sécrétions corporelles (sueur, urine, selles), par voie sexuelle et par la manipulation sans précaution de cadavres contaminés.

Les coutumes et croyances locales, qui entourent de beaucoup de respect les personnes âgées ou malades et attribuent aux personnes décédées une possibilité d'intervention sur les événements, vont à l'encontre de toute précaution d'isolement du malade ou du défunt pour éviter la contagion, a expliqué à l'AFP un médecin européen intervenu sur place et désireux de garder l'anonymat.

Le ministre de la Santé, M. Felix Kabanga Numbi, en annonçant vendredi que l'épidémie était sur le point d'être considérée comme éteinte après 21 jours sans signalement, a reconnu que les équipes médicales avaient rencontré des difficultés avec les habitants. Leurs voitures ont été la cible de jets de pierre et lors d'un enterrement «sécurisé» la population s'en est prise aux infirmiers et assistants.

Selon un photographe occidental qui était sur place, des malades ont quitté la ville de peur d'être isolés et sont allés se réfugier dans la forêt. Ils y sont décédés sans que personne n'en soit averti sauf leur famille qui a gardé le silence.

Des équipes de psycho-cliniciens ont du être constituées afin de rassurer la population, a expliqué le ministre. Une vidéo a même dû être réalisée sur «l'espace de confinement» dans lequel étaient enfermés les malades pour éviter la contagion. Elle a été montrée dans Isiro, une ville d'environ 300 000 habitants, et aux alentours.

Cette vidéo a d'abord «choqué» a reconnu le ministre puis, selon lui, «la population a senti le danger». Selon le médecin rencontré par l'AFP, l'attitude des équipes soignantes, venues d'Europe pour la plupart, a aussi heurté les populations. Les premiers jours les habits des défunts ont été brûlés ainsi que leurs matelas, ce qui a choqué les familles dans une région terriblement démunie.

Des rumeurs ont également été lancées sur les bénéfices que tiraient ces étrangers de cette maladie. Le ministre a accusé un opposant d'avoir fait courir le bruit qu'il s'enrichissait à cette occasion. En fait, l'arrivée dans une région reculée de dizaines de médecins, d'épidémiologistes, de vétérinaires, a bouleversé son équilibre économique.

Une infirmière qui gagnait en temps normal 100 dollars par mois en a gagné subitement autant dans une journée en accompagnant une équipe médicale, et cela a suscité de nombreuses jalousies, a raconté le médecin rencontré par l'AFP.

Les mêmes symptômes que le paludisme

Les premiers symptômes d'Ebola s'apparentent au paludisme, une maladie largement répandue : fièvre et mal de tête. Dans tous les villages, généralement accessibles seulement en moto, des infirmiers ont collecté le sang du moindre malade afin de l'analyser.

Dès le début de cette épidémie, le 17 août, les autorités de RDC, l'Organisation mondiale de la santé, l'UNICEF, le comité pour les maladies contagieuses d'Atlanta, la Croix Rouge et Médecins sans Frontières ont dépêché leurs équipes sur place.

Leur enquête épidémiologique n'a toujours pas apporté de réponse sur l'origine de cette maladie. Le «réservoir» du virus est un animal, sait-on depuis l'apparition de cette maladie en 1976. La contamination viendrait de la consommation de cadavres trouvés en brousse. Mais les chercheurs n'ont pas réussi à déterminer l'animal, contrairement à la fièvre de Marburg, dont on sait qu'elle est véhiculée par les chauves-souris.

Aucun lien n'a pu être établi entre les différentes épidémies, celle qui s'était produite peu auparavant en Ouganda, dans une région voisine, n'avait pas la même souche et les difficultés de communication en RDC ne permettent pas de conclure à une transmission d'une zone à l'autre par un malade infecté.

En deux mois, près de 800 personnes ont été suivies attentivement, a annoncé le ministre. Sur 77 cas déclarés, 27 femmes, 9 hommes, dont cinq membres du personnel de santé sont morts, a-t-il précisé. Cette épidémie est, selon lui, la sixième qui se produit en RDC.