Près de 1000 juges marocains ont organisé un «sit-in» sans précédent, samedi, devant la Cour suprême, exigeant une plus grande indépendance pour le pouvoir judiciaire.

Cette rare manifestation a été organisée par le Club des juges, un groupe formé en août 2011 pour réclamer une réforme judiciaire. Le groupe a été officiellement interdit, mais est toléré.

Les tribunaux marocains ont historiquement été peu solides et sont tombés sous le contrôle du roi et de son ministre de la Justice, qui détermine le salaire et la nomination des juges, ce qui pousse ces derniers à souvent trancher selon ce qui leur est demandé, pour le bien de leurs carrières.

Au dire de Nazik Bekkal, un juge du nord du pays ayant participé à la manifestation, les magistrats n'ont pas de protection, pas de droits, un salaire misérable et travaillent dans des conditions «catastrophiques». Il a ajouté que les juges souhaitaient une plus grande autonomie et l'indépendance du système judiciaire.

Selon le fondateur du club, Yassine Mkhelli, plus de 2200 juges, soit environ les deux tiers du total national, ont signé la pétition réclamant des réformes.

En mai, des juges de partout au pays ont porté des brassards rouges pour protester contre ce qu'ils considèrent être une obstruction gouvernementale dans le domaine judiciaire, lors d'une autre action organisée par le club.

La nouvelle constitution marocaine, adoptée l'an dernier, donne plus de pouvoirs à la branche judiciaire du pouvoir, en plus de lui accorder une indépendance accrue, mais elle doit encore être mise en pratique.

La justice est l'un des domaines les plus délicats dans ce pays d'Afrique du Nord comptant 32 millions d'habitants, où la méfiance est généralisée envers un système de tribunaux qui, selon la majorité des habitants, sert l'intérêt du plus riche.

Des détracteurs avancent qu'un verdict dans une cause civile peut être acheté pour seulement 5000 $, tandis qu'un coup de téléphone d'un haut responsable est suffisant pour sceller un verdict de culpabilité lors de procès pour terrorisme ou dans des causes à saveur politique.

Le Parti islamiste de la Justice et du Développement, qui a remporté les élections de l'an dernier, a fait de la lutte à la corruption et de la création d'une branche du pouvoir judiciaire véritablement indépendante ses deux chevaux de bataille, mais les juges affirment que bien peu a changé.

«Ce problème touche tous les Marocains qui ont droit à un pouvoir judiciaire véritablement indépendant», a déclaré Mohammed Anbar, le vice-président du club et juge à la Cour suprême.

«Nous sommes là, tout simplement, pour l'indépendance du système de justice. Nous voulons un système qui est efficace, intègre, solide et indépendant.»