Les forces kényanes ont lancé un assaut massif sur le port somalien de Kismayo, sans en prendre le contrôle, et des combats se poursuivaient vendredi en fin de journée dans les faubourgs de ce qui constitue le dernier bastion des islamistes shebab, selon des témoins.

Ces témoignages concordants indiquaient que la ville portuaire était toujours entre les mains des shebab, contrairement aux affirmations faites en matinée par un porte-parole de l'armée kényane, dont le contingent déployé en Somalie est intégré au sein de la Force de l'Union africaine en Somalie (AMISOM).

« Les féroces combats près de la ville ont baissé d'intensité et les avions ne lâchent plus de bombes », a rapporté à l'AFP Warsame Ali, un pharmacien de Kismayo, interrogé par téléphone depuis Mogadiscio. « Il y a des victimes civiles, mais je ne sais pas combien », a-t-il ajouté, précisant avoir vu un civil tué et deux blessés par un obus tombé sur leur maison.

« Les combats sont désormais moins intenses que ce (vendredi) matin », a confirmé à l'AFP un autre habitant, Mohamed Dalane.

Selon cet habitant, « les militaires kényans et les forces gouvernementales somaliennes se sont rapprochés de l'(ancien) aéroport (...) non loin de l'Université, mais ils n'ont pas encore pénétré en profondeur dans la ville ».

L'aéroport est situé à environ 5,5 km au nord-est du centre-ville et à environ 1,5 km au nord-est du quartier de l'Université. Selon deux témoins contactés par l'AFP, des troupes kényanes ont débarqué dans la nuit de jeudi à vendredi depuis deux bateaux sur une plage située non loin.

Selon une source sécuritaire, des troupes kényanes ayant débarqué parallèlement sur une plage située à une douzaine de km au sud-ouest du centre-ville semblaient s'être rendues maîtres de l'actuel aéroport, à environ 7 km de Kismayo.

« Les informations selon lesquelles Kismayo a été prise par les forces kényanes de l'AMISOM dans la matinée (...) sont erronées », a assuré une autre source sécuritaire.

Le porte-parole de l'armée kényane Cyrus Oguna avait affirmé à l'AFP dans la matinée que Kismayo était « tombée avec un minimum de résistance ».

Le chef de l'AMISOM, le général ougandais Andrew Gutti, a simplement indiqué dans un communiqué publié vendredi soir que les troupes de l'UA avaient « réussi à encercler » la ville, après avoir affirmé plus tôt qu'elles y avaient « pénétré ».

D'intenses combats ont par ailleurs éclaté dans les environs du village de Birta-Dher, à une cinquantaine de kilomètres de Kismayo, zone conquise mi-septembre par le contingent kényan de l'AMISOM, ont indiqué des sources militaires somaliennes.

Les shebab ont démenti tant la chute de Kismayo que l'entrée des troupes kényanes dans la ville portuaire, dont le mouvement islamiste tire l'essentiel de ses revenus.

« Depuis son arrivée (...) l'ennemi n'a progressé que d'un kilomètre environ, ils sont encerclés par nos moudjahidine », a affirmé dans la soirée depuis Kismayo un « porte-parole militaire » des insurgés, Cheikh Abdiaziz Abu-Musab, à Radio-Andalus, station gérée par les shebab.

De son côté le porte-parole des shebab, Ali Mohamud Rage, a affirmé à l'AFP que les combattants shebab allaient profiter de la nuit pour repousser les troupes kényanes car elles ne pourront compter selon lui sur « l'appui de leurs avions ».

« Le sang des envahisseurs va changer la couleur de la mer, partout la zone sera rouge », a-t-il lancé.

Des témoignages concordants recueillis par téléphone par l'AFP auprès d'habitants de Kismayo indiquaient que des combats faisaient rage à l'extérieur de la ville en fin de matinée, accompagnés de tirs d'artillerie et de bombardements aériens.

Abdulahi Yakub, un habitant interrogé par l'AFP, assurait dans la matinée que « la ville est toujours sous le contrôle des shebab. Radio Andalus continue d'émettre et appelle les gens à rejoindre le djihad et à repousser les envahisseurs ».

L'armée kényane est entrée en octobre 2011 en Somalie avec pour objectif affiché la prise de Kismayo, dans le cadre d'un effort de guerre international contre les shebab qui combattent les fragiles institutions somaliennes, dans ce pays livré à la guerre civile depuis 1991.

Le contingent kényan a depuis intégré l'AMISOM, qui épaule les faibles forces gouvernementales somaliennes, également soutenues depuis novembre par des troupes éthiopiennes.

Depuis qu'ils ont été chassés de Mogadiscio en août 2011, les shebab ont subi une série de revers militaires et le port de Kismayo, le plus important du sud de la Somalie, constitue leur dernier grand bastion, même s'ils contrôlent toujours de vastes portions du Sud et du centre somaliens.