Les employés de la mine de platine de Marikana (nord de l'Afrique du Sud) ont repris le travail dans le calme jeudi, après six semaines d'une grève sanglante, mais la tension restait vive ailleurs dans la région où des mineurs réclament également de substantielles augmentations.

La mine de Marikana, étrangement silencieuse pendant cette grève émaillée de violences ayant fait 46 morts, a repris une activité trépidante, des véhicules remplis à ras bord amenant les travailleurs pour qu'ils prennent le quart de 7 h (1 h, heure de Montréal).

La direction a indiqué en fin de matinée que 77 % des employés avaient pointé.

Mais la production de la mine exploitée par le groupe britannique Lonmin ne devrait reprendre que dans quelques jours, le temps de faire passer des examens médicaux aux 28 000 employés du numéro trois mondial du platine et de vérifier les installations.

La plupart des mineurs étaient habillés en civil, attendant de recevoir leur équipement complet après leur admission, une pratique courante après une absence prolongée de la mine.

Mais ici et là, des combinaisons blanches, casques et bottes en caoutchouc trahissaient les quelques non-grévistes qui avaient refusé de suivre le mouvement, et bravé les intimidations des meneurs les plus durs.

Certains visages étaient fermés, évitant délibérément les journalistes. Beaucoup se sont dits satisfaits de leurs augmentations de salaire de 11 % à 22 %, arrachées au terme de cette grève sauvage commencée le 10 août, ont-ils raconté à l'AFP.

« Nous sommes heureux d'aller travailler. Nous avons obtenu ce que nous voulions », a indiqué Yandisa Mehlo, 37 ans, même si les mineurs n'auront finalement pas le salaire de base de 12 500 rands (1484 $) mensuels qu'ils réclamaient avec véhémence.

Les foreurs, qui avaient lancé la grève, n'en auront que 11 000 (bruts).

Alors que les intérimaires se demandaient encore s'ils étaient concernés par l'accord signé mardi soir, d'autres étaient moins satisfaits, mais sont retournés au travail en désespoir de cause après avoir été privés de paye pendant plus d'un mois.

« Je retourne au travail parce que j'ai vraiment faim », a reconnu Phumlile Macefane, 24 ans. « Je suis malheureux parce que je ne peux pas avoir 12 500 » rands, a-t-il expliqué. « Mes frères (camarades, NDLR) sont morts, ils ont été tués par la police. »

La police a abattu 34 personnes à Marikana le 16 août, alors que de violents affrontements intersyndicaux avaient fait 10 morts dans les jours précédents.

Un permanent syndical a été battu à mort la semaine dernière, et une conseillère municipale de l'ANC (le parti au pouvoir) est décédée mercredi après avoir été touchée par une balle en caoutchouc tirée par la police samedi. Cela porte à 46 morts le bilan total des victimes des événements de Marikana.

La police maintenait jeudi matin une présence discrète, ses véhicules étant garés à distance.

Mais si le calme est revenu à Marikana, la tension reste vive dans d'autres mines de la région, où les travailleurs réclament aussi des augmentations de salaire.

La crise minière se poursuit

La crise minière que traverse l'Afrique du Sud s'est poursuivie jeudi avec des échauffourées près des sites à l'arrêt d'Amplats, numéro un mondial du platine, à Rustenburg (nord).

La police est intervenue dans la matinée au bidonville de Sondela, voisin d'une mine d'Anglo American Platinum (Amplats) touchée par une grève depuis une dizaine de jours, avant que les habitants ne bloquent les routes avec des pierres et des pneus enflammées.

Les policiers « nous ont tiré dessus avec des balles en caoutchouc, et après ils ont lancé des gaz lacrymogènes, c'est pourquoi nous avons mis des pierres » sur la route d'accès, a expliqué Mable Makgetla, 30 ans, dont le mari travaille pour un sous-traitant.

Une école a été fermée après l'opération. « Les enseignants et les enfants étaient en classe quand ils (les policiers) ont tiré », a témoigné Daniel Khasiphe, 38 ans, un gréviste.

La police, qui avait arrêté 22 personnes au même endroit mercredi, a indiqué qu'elle avait utilisé gaz lacrymogène, canons à eau et grenades assourdissantes, mais a démenti avoir tiré des balles en caoutchouc.

« Tout rassemblement de 15 personnes ou plus est un rassemblement illégal », a justifié son porte-parole Dennis Adriao, justifiant l'intervention.

Amplats avait rouvert ses cinq sites de Rustenburg mardi après les avoir fermés pendant près d'une semaine, officiellement pour des raisons de sécurité alors que des manifestations menaçaient ses installations et ses employés.

Après avoir longtemps nié que ces derniers aient rejoint le mouvement social qui s'est étendu dans les mines de la région, la direction a reconnu jeudi que moins de 20 % de ses employés avaient pointé dans quatre mines, sans donner de précisions sur la cinquième.

« Personne n'est prêt à retourner (à la mine), absolument personne. Les gens en ont tout simplement assez et ils ne veulent pas être traités comme des esclaves au travail. Les gens en ont assez, les travailleurs en ont vraiment assez et ils savent ce qu'ils veulent », c'est-à-dire de fortes augmentations, a indiqué Gaddhafi Mdoda, l'un des meneurs des grévistes.

Ces derniers réclament au moins 16 000 rands (1876 $) par mois, et, selon M. Mdoda, l'accord signé à Marikana leur « donne un avantage, tout simplement parce que si Lonmin peut payer la somme qu'il a signée, Amplats peut certainement payer davantage, simplement parce qu'Amplats est la plus grande entreprise, non seulement en Afrique du Sud ou en Afrique, mais dans le monde entier ».

Les forces de l'ordre ont été déployées en masse depuis samedi, après que le gouvernement eut annoncé qu'il était décidé à faire régner l'ordre sur un bassin minier où les grèves ont été souvent violentes.

Le président Jacob Zuma a fait savoir qu'il avait autorisé l'armée à rester sur place pour aider la police jusqu'au 31 janvier 2013.

« Ce n'est pas un état d'urgence », a justifié son porte-parole Mac Maharaj. « Un ordre similaire avait été donné pendant les fêtes, et ça a aidé à réduire la criminalité! »

De nombreux observateurs estiment que l'intervention des forces de l'ordre, parfois musclée, a largement accéléré la signature d'un accord à la mine voisine de Marikana, d'où est parti le mouvement le 10 août.

Les violences y ont fait 46 morts : la police y a abattu 34 personnes le 16 août, alors que de violents affrontements intersyndicaux avaient fait 10 morts dans les jours précédents.