Deux jours après son élection-surprise à la présidence de la Somalie, le 10 septembre, Hassan Cheikh Mohamoud a été la cible d'un attentat-suicide qui a fait une dizaine de morts dans la capitale, Mogadiscio.

L'attentat, revendiqué par la milice islamiste Al-Chabaab, n'a pas touché M. Mohamoud. Mais cette attaque sanglante illustre à quel point le nouveau président de la Somalie devra travailler fort pour rebâtir ce pays ravagé par 21 ans de guerre civile.

M. Mohamoud hérite d'un État en faillite, corrompu jusqu'à la moelle, déchiré par les guerres de clans, où la plupart des régions échappent au contrôle du gouvernement central.

Pourtant, les Somaliens ont rarement été aussi optimistes.

Contre toute attente, M. Mohamoud a battu à plate couture le président sortant Sheikh Sharif Sheikh Ahmed. L'élection de ce nouveau venu en politique est considérée comme le point d'orgue d'un retour à la normale en Somalie.

Après des années de plans de paix bafoués et d'espoirs déçus, cet universitaire de 56 ans, qui a travaillé pour de nombreux organismes de développement, représente mieux que quiconque la nouvelle ère somalienne.

Hassan Cheikh Mohamoud a l'énorme avantage de ne pas être associé à la violence et à la corruption du passé. Pendant des années, il a tenté de mettre fin à la guerre plutôt que d'y contribuer.

Mieux encore, il arrive au pouvoir au moment où les signes d'espoir sont de plus en plus nombreux. Les forces de l'ordre, appuyées par les troupes de l'Union africaine, ont chassé Al-Chabaab de Mogadiscio, l'an dernier. Même si la milice commet toujours des attentats dans la capitale, elle en a perdu le contrôle.

Ce calme relatif a incité les résidants à reconstruire leurs maisons. Des cafés, des boutiques et des bureaux poussent sur les ruines de la guerre. Des milliers de membres de la diaspora rentrent au pays - et y investissent leur argent.

Preuve que la sécurité s'améliore, pour la première fois depuis des années de chaos et d'anarchie, le nouveau gouvernement a été choisi en terre somalienne, et non à l'étranger.

Bref, pour la première fois depuis longtemps, la population peut imaginer un véritable avenir à la Somalie. Elle espère que leur nouveau gouvernement parviendra à étendre son autorité au-delà de la capitale.

Un islamiste modéré

Contrairement à plusieurs intellectuels, Hassan Cheikh Mohamoud est resté en Somalie pendant la guerre, travaillant comme consultant auprès d'ONG et d'organismes de l'ONU, s'engageant dans de nombreuses initiatives de paix.

Au début de la guerre, en 1991, il a voyagé pour l'UNICEF dans le sud et le centre du pays, où il a constaté «l'ampleur de l'effondrement du secteur de l'éducation».

À Mogadiscio, il a fondé l'Université Simad, dont il a été le doyen pendant 10 ans. Il a aussi contribué à mettre sur pied des écoles primaires, avec l'aide d'al-Islah, la branche somalienne des Frères musulmans, dont on le dit assez proche.

Marié à deux femmes et père de nombreux enfants, M. Mohamoud serait un «islamiste modéré». Certains le jugent néanmoins «trop occidental». En fait, il semble au-dessus de la mêlée, et surtout loin des guerres de clans qui ont déchiré pendant si longtemps la Somalie.

La tâche est titanesque, mais aujourd'hui, personne ne semble mieux placé que Hassan Cheikh Mohamoud pour recoller les fragments de ce pays en ruines.

La milice Al-Chabaab

En promettant de mettre un terme au chaos somalien, le groupe islamiste Al-Chabaab a trouvé sans mal des appuis dans la population. Mais le conflit s'est enlisé, et Al-Chabaab a perdu la sympathie des gens. L'an dernier, ce groupe lié à Al-Qaïda a été chassé de la capitale, Mogadiscio. Mais Al-Chabaab menace toujours la paix en Somalie. Le groupe contrôle des régions entières, où il a instauré une interprétation stricte de la charia.

- Avec la BBC, AFP et Reuters