Au moins 38 personnes, dont neuf policiers, ont été tuées lundi dans une nouvelle attaque d'un village du sud-est du Kenya par 300 membres d'une communauté rivale.  

Le village est situé dans le district rural de Tana River qui a déjà été le théâtre en août d'un des pires massacres tribaux de ces dernières années dans le pays.

« Seize hommes, cinq femmes, huit enfants et neuf policiers » ont été tués, a annoncé à l'AFP le secrétaire général de la Croix-Rouge kényane, Abbas Gullet. Selon une porte-parole de la Croix Rouge kényane, Nelly Muluka, huit blessés ont été hospitalisés.

Sur place, « les tensions sont toujours très fortes, mais les affrontements ont cessé », a rapporté Caleb Kilande, un secouriste de la Croix-Rouge sur les lieux.

Le district de Tana River est le théâtre d'affrontements récurrents entre communautés rivales orma - essentiellement des éleveurs nomades - et pokomo - surtout composée d'agriculteurs sédentaires. Un cycle de violences particulièrement meurtrières a fait plus de 100 morts depuis mi-août.

Selon un policier ayant requis l'anonymat, l'attaque de lundi a été menée par des pokomo contre un village orma. Selon la Croix-Rouge, le village de Kilelengwani a été attaqué par plus de 300 personnes qui ont incendié des maisons, et les affrontements se sont poursuivis dans la matinée.

Selon une source policière, un poste de police récemment installé, ainsi qu'un véhicule, ont été incendiés.

« J'ai été réveillé par le bruit des coups de feu, juste à temps pour constater que ma maison était en feu. J'ai d'abord hésité à sortir de peur d'être abattu, c'est pour ça que j'ai été brûlé », a raconté Abdul Yusuf, un habitant du village attaqué.

Une autre victime, Chichul Fatuma, a expliqué que les assaillants avaient « encerclé tout le village donc nous n'avions nulle part où nous enfuir ».

En août, au moins 52 villageois orma avaient été tués à coups de machettes ou brûlés vifs par des Pokomo qui avaient attaqué plusieurs hameaux dans cette même zone de Tarassa (district de Tana River).

Une personne a ensuite été tuée le 1er septembre, puis au moins douze autres une semaine plus tard dans de nouveaux raids qualifiés de « représailles » par la police. Ni la police ni la Croix-Rouge n'avaient précisé alors qui avait attaqué qui.

Selon un député local, l'attaque d'août succédait à une série de violences commencées dix jours plus tôt.

Les deux communautés, installées le long de la rivière Tana, se sont déjà violemment affrontées dans le passé sur des questions d'accès à la terre et aux points d'eau. En 2001, des affrontements avaient fait plus de 130 morts.

Corps abandonnés sur place

L'attaque de lundi est « inquiétante, car une réunion de paix a rassemblé les deux communautés toute la journée samedi », a déclaré Danson Mungatana, un député de la circonscription, « quelque chose ne va pas, la violence a éclaté alors qu'une opération de police est en cours pour nettoyer la zone des armes illégales ».

« Les corps n'ont même pas été évacués (...) la situation devient très dangereuse, quelque chose doit être fait de façon urgente », a estimé le secrétaire général de la Croix-Rouge kényane, Abbas Gullet.

Le préfet de la Province de la Côte, Samuel Kilele, a annoncé que quatre chefs locaux avaient été arrêtés. « Ce sont des gens qui sont sur le terrain et devaient avoir connaissance des attaques avant même qu'elles surviennent », a-t-il déclaré.

Les forces de l'ordre ont été accusées de passivité à Tana River depuis la tuerie d'août, la plus meurtrière au Kenya depuis les violences post-électorales de fin 2007 et début 2008, qui avaient dégénéré en affrontements ethniques.

Bien que l'ampleur de ce massacre avait choqué au Kenya, il cache des heurts réguliers à plus petite échelle à travers le pays, souvent passés sous silence.

Plus de 200 personnes ont été tuées au Kenya depuis le début de l'année dans des affrontements à caractère ethnique, dont le schéma rappelle de précédents épisodes de violences politiques, soulignait fin août le secrétaire général de la Croix-Rouge kényane.

Le Kenya doit élire en mars 2013 le successeur à la présidence de la République de Mwai Kibaki. La réélection contestée de ce dernier, fin 2007, avait déclenché des semaines de violences où plus de 1000 personnes étaient mortes.