La tension est retombée mardi à la mine de sud-africaine de Marikana, théâtre d'un conflit social sanglant, car l'exploitant Lonmin, sous la pression du pouvoir, a renoncé à sanctionner les grévistes absents pendant une semaine de deuil et a ouvert de premiers contacts avec les syndicats.

L'évêque anglican de Pretoria Jo Seoka a convaincu les deux parties de discuter pour la première fois depuis le massacre de 34 mineurs en grève sauvage par la police, le 16 août à la mine de platine, a indiqué l'ONG écologiste Bench Marks.

Selon John Capel, qui dirige cette fondation, l'évêque a réussi à convaincre des dirigeants de Lonmin et huit syndicalistes à se voir pendant trois heures mardi soir. L'ONG, cofondée par le prix Nobel de la paix Desmond Tutu et Jo Seoka, avait pourtant reproché à la compagnie d'être «responsable de l'escalade» à Marikana par son refus préalable de négocier avec les travailleurs.

Dans la matinée, l'intervention de la présidence sud-africaine avait poussé Lonmin, basée à Londres, à renoncer à un ultimatum: elle avait sommé les 3000 foreurs en grève sauvage depuis le 10 août de reprendre le travail, sous peine d'être licenciés.

Les grévistes, qui réclament le triplement de leurs salaires, sont encouragés par le petit syndicat AMCU, dissident du puissant syndicat des mineurs, le NUM.

Depuis deux jours, un comité interministériel est à pied d'oeuvre pour aider les familles des 44 décédés (les 34 tués par la police et 10 autres morts dans des heurts entre ACMU et NUM).

Mardi en début de soirée, la direction a annoncé qu'elle ne prendrait «aucune mesure disciplinaire contre les employés illégalement absents qui ne reviennent pas au travail cette semaine», pour respecter la période de deuil national.

Cinq jours après la fusillade, 33% des salariés avaient repris le travail mardi, et la direction priait les autres, notamment les 25 000 non grévistes de revenir.

A l'extérieur du site, comme chaque jour, des centaines d'hommes s'étaient rassemblés pour répéter leur refus de reprendre le travail faute de voir leurs revendications salariales satisfaites.

«Notre position n'a pas changé, nous ne bougeons pas, nous refusons d'être intimidés par Lonmin», a lancé Litha Mpula, qui se décrit comme un survivant de la fusillade.

Sur le site, un autre groupe était en prière, mené par un évêque méthodiste.

Le drame met aussi en cause l'attitude du pouvoir, muet depuis des mois face aux tensions sociales secouant l'industrie du platine en crise.

Le jeune tribun populiste Julius Malema s'est d'ailleurs engouffré dans la brèche, se montrant pour la deuxième fois aux côtés des mineurs pour déposer plainte au commissariat proche de la mine et vitupérer contre le président Jacob Zuma dont il a dénoncé «le faible leadership».

Ex-leader de la ligue de jeunesse de l'ANC, Malema a été exclu du parti au pouvoir en avril.

Le principal parti d'opposition, Alliance Démocratique, a réclamé au parlement la démission de la ministre de la Police, des secrétaires généraux des syndicats NUM  et AMCU et du PDG de Lonmin.

«La police a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher une telle situation», a s'est défendue la ministre de la Police, Nathi Mthethwa.

Sa collègue Susan Shabangu, ministre des Mines, a appelé les sociétés minières à «redoubler d'efforts» pour améliorer la condition de leurs employés et partager la richesse.

Les formalités d'identification des corps des 34 morts de jeudi sont achevées et la plupart ont été renvoyés à leurs familles, souvent dans des régions lointaines.

Enfin l'ex-archevêque Desmond Tutu a condamné le «massacre», mais exprimé sa sympathie pour la majorité des policiers faisant face à des manifestants menaçants.

«Lorsque nous avons tourné la page de l'apartheid, nous avons dit que plus jamais notre police et nos soldats ne massacreraient les gens», a commenté Tutu dans une tribune publiée mardi soir dans le quotidien The Star.

«Notre police semble impuissante à endiguer la vague de criminalité violente. Nous avons créé une petite poignée de méga-riches qui profitent du transfert de pouvoir économique aux Noirs mais ont échoué de façon spectaculaire à réduire les différences de niveaux de vie entre les Sud-Africains riches et les pauvres», a-t-il accusé.

Dans le même temps, le droit de manifester, chèrement acquis sous l'apartheid, donne lieu à des dérives violentes, a ajouté le prélat.