Une nouvelle attaque contre les forces armées ivoiriennes, dans la nuit de mercredi à jeudi à Dabou, près d'Abidjan, a coûté la vie à trois civils et permis l'évasion de plusieurs dizaines de détenus de la prison de la ville.

Le camp des Forces républicaines (FRCI) de Dabou (environ 50 km à l'ouest d'Abidjan), le commissariat de police, la gendarmerie et la prison ont été attaqués mercredi à partir de 23H00 (locales et GMT), et les habitants ont entendu des tirs nourris, de Kalachnikov notamment, jusqu'au petit matin: c'est la dernière en date d'une série d'opérations armées qui ont fait monter la tension dans le pays.

«Nous les avons repoussés», a déclaré à des journalistes le commandant Ousmane Coulibaly, chef des opérations venu sur place avec des renforts, indiquant qu'un ratissage était en cours.

À la morgue de l'hôpital de Dabou, les corps de trois civils ont été déposés: celui d'un chauffeur de car tué par les assaillants qui ont dérobé son véhicule pour bloquer une route, selon l'armée, et ceux de deux employés d'une boulangerie, dont un collègue des victimes a confirmé l'identité.

Roulant à bord de deux véhicules 4x4, des inconnus armés «ont tiré sur nous», a déclaré à l'AFP cet employé, Dieudonné Dabiré, 28 ans, hospitalisé pour des blessures à la gorge et au cou, et encore sous le choc.

Dans les combats, le groupe armé d'«une soixantaine de personnes» a perdu deux hommes et «une dizaine» d'autres ont été arrêtés, selon le commandant Coulibaly. Il a affirmé que les FRCI n'ont déploré aucune perte dans leurs rangs.

La prison a été ouverte par le commando, permettant la fuite des 119 détenus, selon sa directrice Adjoua Ouattara. «La prison a été cassée, tous les prisonniers sont sortis», a souligné le député Mohamed Sess Soukou, faisant état d'«une cinquantaine» de détenus repris par l'armée.

Ce député du Rassemblement des républicains (RDR) du président Alassane Ouattara a accusé des «miliciens» partisans de l'ex-chef de l'État Laurent Gbagbo, vivant dans la région et à Abidjan, d'être derrière cette attaque avec «des Libériens».

Le commissariat de police a été criblé de balles. Un camion était visible, en partie carbonisé, à l'entrée de Dabou.

Insécurité «préoccupante» pour la France

À la recherche des assaillants qui se sont emparés de quelques Kalachnikov, les FRCI ont poussé leur ratissage jusqu'à la presqu'île de Jacqueville, à quelques kilomètres au sud, où des tirs ont été signalés. «La ville est calme mais c'est tendu, tout le monde est enfermé chez soi», a confié une habitante dans la soirée.

La France, ex-puissance coloniale, a estimé jeudi que «le climat d'insécurité actuel est préoccupant» et a appelé «au calme».

«Le désarmement et la réforme des secteurs de la sécurité doivent plus que jamais être une priorité, tout comme la poursuite du processus de réconciliation nationale et la lutte contre l'impunité», a dit le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Vincent Floreani.

Les violences à Dabou surviennent après une série d'attaques dans la capitale économique ivoirienne et ses environs, ainsi que dans l'Ouest, qui replongent le pays dans les tensions plus d'un an après la fin de la crise postélectorale (décembre 2010-avril 2011) ayant fait quelque 3000 morts.

Dix militaires ont été tués les 5 et 6 août à Abidjan. Le gouvernement a accusé des pro-Gbagbo, mais le parti de l'ex-président, le Front populaire ivoirien (FPI), a rejeté ces allégations.

L'armée a encore été attaquée lundi dans l'Ouest, région en proie à des violences depuis plusieurs mois, à la frontière avec le Liberia. Six Ivoiriens soupçonnés d'être impliqués ont été arrêtés au Liberia près de la frontière, selon Monrovia.

Signe de l'inquiétude des autorités, le président de l'Assemblée nationale Guillaume Soro est remonté en première ligne, multipliant ces derniers jours les rencontres avec les chefs de l'armée. Premier ministre et ministre de la Défense jusqu'en mars dernier, l'ex-chef de la rébellion pro-Ouattara, dont de nombreux éléments ont intégré les FRCI, reste l'un des hommes-clés des dossiers sécuritaires.