De part et d'autre de la «ligne de front» qui sépare les forces armées de la République démocratique du Congo des rebelles du M23, la population tente de sauver ses moyens d'existence quand elle n'a pas été forcée de partir.

Depuis trois mois cette zone forestière située sur les contreforts du volcan Nyiragongo, est le théâtre de combats sporadiques qui ne semblent pas avoir fait beaucoup de victimes, mais ont sérieusement traumatisé la population.

Une route la traverse, qui part de Goma vers le nord et la frontière rwandaise. Une dizaine de jours après les derniers combats en date, elle est utilisée par des taxis-motos, des minibus et quelques camions qui vont vers la capitale régionale du Nord Kivu.

À Rugi, première agglomération de la prétendue ligne de front, la plupart des maisons sont fermées.

Prosper Hategekimana, 18 ans, et son ami Duché Sentant, 16 ans, sont revenus il y a deux jours après une absence de trois semaines. «On est un peu bien. On peut dormir ici sans aller aux champs, si on y va, on trouve un militaire, il te prend pour transporter les fagots», explique Prosper.

Aucune maison détruite, aucune trace de combats, mais, selon eux, les rebelles du M23 sont dans la forêt, invisibles.

Quelques kilomètres plus loin, à Rutshuru, ils sont en place.

Dans le petit hôtel, un «séminaire» rassemble 6 personnes pour expliquer les buts du mouvement rebelle, dit un responsable qui ne veut pas d'exprimer davantage devant le journaliste de l'AFP en l'absence du porte-parole officiel.

Plus loin, au centre du village, Maman Djudju, dont la grossesse est très avancée, fait cuire des haricots. Mille francs congolais (1 dollar) l'assiette. Avant, dit-elle, elle gagnait 50 dollars par jours, maintenant «même pas 10 dollars» faute de clients.

Les rebelles ne sont «pas encore» venus demander des taxes, dit-elle. Avant, elle devait payer la patente et la taxe touristique, 5 dollars par mois.

Au péage routier, le système de prélèvement est en place : 500 dollars par camion plus 20 pour le péage routier.

C'était 17 auparavant, plus le péage qui n'a pas changé. Les chauffeurs râlent, mais se dispersent quand arrive une camionnette transportant 6 soldats qui se mettent en position pendant que leur chef, béret planté haut sur la tête, refuse de répondre aux questions en faisant comprendre que les journalistes ne sont pas bienvenus.

Dans le village, une colonne d'hommes armés en uniformes et paraissant aguerris remonte la rue principale. Dès que la tête de la colonne s'arrête, ils se placent en se ménageant des angles de tirs.

L'ambiance est tendue. La veille, raconte discrètement un passant, un commerçant qui voulait empêcher un rebelle de prendre quelque chose sur son étalage s'est fait tirer dessus, la balle lui a traversé la main.

Retour vers Goma et les troupes régulières. Selon plusieurs sources, leurs défenses ont cédé il y a deux semaines quand les militaires se sont découragés de n'avoir après trois jours de combats reçu aucune nourriture.

Sur les hauteurs, des positions d'artillerie semblent avoir été aménagées, mais, selon un ancien militaire occidental présent dans la zone, «c'est n'importe quoi. Aucun poste avancé pour régler les tirs, aucune modification des réglages pour les ajuster».

Les principales victimes sont les civils touchés par des éclats d'obus ou des balles perdues. L'hôpital de Rutshuru en a accueilli plus de 70, ainsi que quatre soldats.

Les violences ont aussi fait des dizaines de milliers de réfugiés et déplacés.