Les forces soudanaises ont eu recours à des gaz lacrymogènes et à des balles réelles pour disperser une manifestation antigouvernementale dans la ville de Nyala, au Darfour du Sud, tuant sept manifestants, a déclaré mardi un avocat défenseur des droits de la personne.

Il s'agirait des premières personnes tuées dans les manifestations contre les mesures d'austérité imposées par le gouvernement soudanais le mois dernier, qui ont considérablement fait augmenter le prix des produits de base.

Les mesures d'austérité ont déjà provoqué des manifestations dans la capitale, Khartoum, et ailleurs au Soudan. Les manifestations semblent en partie inspirées des soulèvements populaires du Printemps arabe de l'an dernier. Les rassemblements se sont surtout concentrés dans les grandes villes et autour des universités, mais attirent de plus en plus de citoyens mécontents.

Le gouvernement, qui affirme que les mesures d'austérité sont nécessaires pour compenser la baisse des revenus pétroliers, a réagi en réprimant sévèrement les opposants, ce qui a eu pour effet de décourager la plupart des manifestants.

À Nyala, dans l'ouest du Soudan, les employés des transports publics sont entrés en grève lundi pour protester contre la hausse du prix du carburant. Mardi, ils ont été rejoints par des étudiants, ce qui a provoqué la plus grande manifestation de la capitale provinciale du Darfour du Sud.

L'avocat a déclaré que la manifestation était devenue violente quand les forces de sécurité et les manifestants se sont affrontés. La police a eu recours à des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, tandis que les manifestants ont lancé des pierres aux forces de sécurité. L'avocat a réclamé l'anonymat par crainte pour sa sécurité.

Un porte-parole de la mission conjointe des Nations unies et de l'Union africaine au Darfour, Chris Cycmanick, a indiqué que les manifestants avaient brûlé des pneus et lancé des pierres sur les véhicules qui passaient. La mission n'est pas en mesure de fournir un bilan des victimes, a-t-il précisé.

L'avocat a aussi déclaré que les manifestants avaient attaqué les bureaux du parti du président Omar el-Béchir et incendié les bureaux du gouvernement local. La police a répliqué en tirant à balles réelles, tuant au moins sept personnes, a-t-il affirmé.

L'avocat, qui s'est rendu à la morgue pour identifier les corps, a déclaré que cinq des personnes tuées étaient des étudiants, dont une élève du secondaire. Une cinquantaine de personnes ont aussi été blessées, la plupart par des tirs, a-t-il dit.

«Les forces de sécurité ont utilisé une force excessive pour faire cesser la manifestation», a dit l'avocat, joint par téléphone à Nyala. «La journée a été vraiment difficile.»

Des militants ont publié des photos de la manifestation sur les réseaux sociaux. On y voit notamment de grands nuages de fumée noire dans le ciel de Nyala et des manifestants étendus au sol. L'authenticité des photos n'a pas pu être confirmée de source indépendante.

La région de Darfour est déchirée par un conflit depuis 2003, quand des rebelles ont décidé de prendre les armes pour affronter le gouvernement central, l'accusant de domination et de négligence. Les violences se sont apaisées depuis, mais des affrontements entre rebelles et forces gouvernementales éclatent régulièrement.

Le gouverneur du Darfour du Sud, Hamad Ismail Hamad, a accusé les rebelles armés de «manipuler» le mécontentement populaire afin «de causer le chaos et la sédition».

L'avocat contacté par l'Associated Press a nié cette allégation, en précisant que les rebelles ne sont pas présents dans les villes contrôlées par les forces gouvernementales.