Les islamistes armés ont pris le contrôle, hier, de la totalité du nord du Mali après avoir chassé les rebelles touareg de l'une des trois grandes villes du nord du pays, a rapporté l'AFP.

Depuis le début de la semaine, les groupes islamistes détruisent les mausolées à Tombouctou. Lundi, ils ont attaqué les tombes de deux saints dans un cimetière attaché à la mosquée de Djingareyber, l'une des plus connues de la ville.

Depuis l'invasion par les groupes armés salafistes, au début du mois d'avril, la destruction de lieux saints se poursuit au nom de la charia. Une entreprise de démolition entamée la semaine dernière par les islamistes d'Ansar Dine, en représailles à la décision de l'UNESCO de classer la ville patrimoine mondial en péril.

Dans la cité des 333 saints, l'impuissance et la peur dominent devant l'imposition de la charia par ces groupes, qui promettent de tout détruire.

«Les habitants sont très attachés à leurs saints», explique à La Presse un journaliste malien établi à Tombouctou. Il préfère taire son nom, par crainte de représailles des islamistes. «Les gens sont découragés, ils se sentent impuissants. Les islamistes sont imprévisibles et ils sont lourdement armés», dit-il.

Devant les islamistes venus, selon le journaliste, de l'Algérie et de la Mauritanie, les Maliens sont livrés à eux-mêmes. Les jeunes surpris à fumer dans la rue sont punis de coups de cravache. Les femmes doivent porter le voile, quand elles osent sortir de chez elle. «Ici, nous n'avons pas de défense», soupire le journaliste, qui ne s'est pas encore résolu à quitter la ville.

Depuis la fin du mois de juin, les islamistes d'Ansar Dine ont déclaré la guerre aux mausolées de saints musulmans. Pour les salafistes tenants d'un islam rigoriste, la tradition millénaire des mausolées au Mali contrevient au principe de soumission des croyants devant Dieu, a écrit hier dans Le Monde Julien Loiseau, maître de conférences en histoire de l'islam médiéval, à l'Université de Montpellier, en France.

«Les destructions en cours à Tombouctou constituent surtout une remise en cause radicale des modèles traditionnels d'autorité en islam, écrit ce spécialiste. En détruisant les saints mausolées, les salafistes (littéralement, ceux qui suivent l'enseignement des anciens) n'ont pas d'autre intention que d'abolir le passé et d'effacer ses traces, pour mieux lui substituer l'ordre des origines.»

Les deux tiers des 40 000 habitants de Tombouctou ont fui la ville depuis sa prise par des rebelles touareg et des groupes islamistes au début du mois d'avril. Le nord du pays est sous le contrôle des islamistes.

Les trois villes et régions du nord du Mali - Tombouctou, Gao et Kidal - sont occupées depuis le début du mois d'avril par des islamistes d'Ansar Dine et un autre groupe armé islamiste, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.

Le patrimoine de Tombouctou attaqué

30 juin

Des islamistes d'Ansar Dine entament la destruction des mausolées de saints musulmans de Tombouctou, dont ceux de Sidi Mahmoud, Sidi Moctar et Alpha Moya. Ces mausolées sont d'importants lieux de recueillement, les saints étant considérés à Tombouctou comme des protecteurs.

1er juillet

Les hommes d'Ansar Dine détruisent quatre autres mausolées, dont celui de Cheikh el-Kébir, situés dans l'enceinte du cimetière de Djingareyber. L'Organisation des Nations unies (ONU) estime que de telles attaques sont «totalement injustifiées» et la procureure de la Cour pénale internationale soutient que la destruction peut être considérée comme un «crime de guerre» passible de poursuite.

2 juillet

Les islamistes brisent la porte sacrée de la mosquée Sidi Yayia, du XVe siècle, qui fait partie des trois grandes mosquées de Tombouctou avec celles de Djingareyber et Sankoré.

10 juillet

Des hommes d'Ansar Dine, armés de haches, de pioches et de burins, s'acharnent contre deux mausolées en terre de la mosquée de Djingareyber qu'ils détruisent «totalement», selon des témoins, et promettent de détruire tous ceux de la région.