L'armée soudanaise a célébré lundi, en présence du président Omar el-Béchir, la reconquête de la zone pétrolière disputée de Heglig, tout en menant un nouveau raid aérien meurtrier sur Bentiu, au Soudan du Sud.

«Pas de négociations avec ces gens», a promis M. Béchir à propos du gouvernement sud-soudanais, qu'il avait qualifié d'«insecte» la semaine dernière. «Avec eux, nous négocions avec des fusils et des balles», a-t-il ajouté, en dépit des appels de la communauté internationale.

Après deux semaines de violents combats, la région de Heglig était jonchée de cadavres de soldats sud-soudanais, et ses précieuses infrastructures pétrolières, qui représentaient la moitié de la production du Nord, étaient très endommagées, selon un correspondant de l'AFP qui a pu se rendre sur place.

Khartoum avait annoncé vendredi la reconquête de Heglig, prise le 10 avril par l'armée sud-soudanaise, qui a pour sa part affirmé avoir mené, sous la pression internationale, un retrait volontaire et progressif achevé dimanche.

«Le nombre de morts est de 1200 pour le SPLM», les ex-rebelles sudistes désormais au pouvoir au Soudan du Sud depuis la sécession en juillet 2011, a lancé le commandant de l'armée soudanaise, Kamal Marouf, devant quelque 2000 soldats. Il n'a en revanche pas précisé de bilan pour ses propres troupes.

Les combats ont aussi entraîné la fuite des quelque 5000 habitants de Heglig et des villages voisins, selon un rapport des autorités soudanaises cité par l'ONU. Le correspondant de l'AFP n'a pas vu de civils dans la zone.

Dans le même temps, des avions soudanais ont mené un nouveau raid à Bentiu, capitale de l'État sud-soudanais d'Unité, à une soixantaine de kilomètres au sud de Heglig, larguant plusieurs bombes près d'un pont stratégique et d'un marché.

Le bombardement a fait au moins deux morts, dont un enfant dont le cadavre carbonisé a été vu par une journaliste de l'AFP qui se trouvait en voiture dans la zone du raid. D'épais nuages de fumée grise s'élevaient du marché, où des civils paniqués couraient près des étals en flammes.

«Ceci est une grave escalade et une violation du territoire du Soudan du Sud (...). Il s'agit d'une provocation évidente», a estimé Mac Paul, directeur adjoint des services sud-soudanais de renseignement.

«Nous avons répondu aux appels (internationaux) à évacuer Heglig (...) mais ils continuent de nous bombarder», a dénoncé le ministre sud-soudanais de l'Information, Barnaba Marial Benjamin, estimant que Khartoum était en train de mettre à exécution ses promesses d'envahir le Soudan du Sud.

Le gouverneur de l'État de l'Unité, Taban Deng, a de son côté évoqué la mort de deux enfants dans le raid sur Bentiu, estimant que cela est la «conséquence» du retrait, sous la «pression de la communauté internationale» des troupes sud-soudanaises de Heglig.

Les États-Unis ont exhorté le Soudan à «cesser immédiatement les bombardements aériens» au Soudan du Sud, après le raid du lundi et appelé les deux parties à reprendre les discussions.

La France a pour sa part condamné le bombardement de Bentiu et appelé au respect des populations civiles.

Le bombardement sur Bentiu, déjà visée deux fois par l'aviation soudanaise en avril, intervient alors que les troupes sud-soudanaises ont quitté la zone de Heglig, une région frontalière revendiquée par les deux Soudans mais largement reconnue comme soudanaise par la communauté internationale.

Après une dizaine de jours d'occupation et de combats, les troupes soudanaises ont retrouvé les infrastructures pétrolières en très mauvais état.

Un réservoir ainsi que huit générateurs ont été détruits par des incendies, tandis que du pétrole se répandait sur le sol du site géré par le consortium à majorité chinoise Greater Nil Petroleum Operating Company (GNPOC), selon le correspondant de l'AFP.

Abdel Azim Hassan, un ingénieur soudanais du GNPOC, a accusé les troupes sud-soudanaises d'avoir «détruit la principale centrale électrique alimentant les champs de pétrole et la centrale de traitement», ajoutant que des saboteurs «professionnels» avaient aussi détruit les salles de contrôle et le système de sécurité de la centrale de traitement.

Le GNOPC cherche maintenant à relancer manuellement les unités de production «aussi vite que possible», a précisé M. Hassan.

L'arrêt de la production pétrolière de Heglig depuis le 10 avril a affaibli encore un peu plus l'économie soudanaise, déjà en crise depuis que la partition a laissé les trois quarts des réserves pétrolières au Soudan du Sud.

La situation est tout aussi difficile pour Juba, en charge d'un pays dévasté par la guerre civile Nord/Sud (1983-2005, 2 millions de morts) et qui est tributaire pour exporter son pétrole des infrastructures soudanaises pour l'instant fermées.