Les principaux leaders de l'ex-opposition en Guinée-Bissau ont finalement pris leurs distances lundi avec les auteurs du coup d'État du 12 avril, alors que la pression internationale s'est accentuée sur les putschistes avec l'arrivée à Bissau d'une forte délégation ouest-africaine.

Moins de 24 heures après un accord pourtant passé par leurs propres partis avec la junte, les cinq candidats de l'opposition au premier tour de la présidentielle du 18 mars ont «fermement condamné» le «soulèvement militaire» et exigé «le retour rapide à l'ordre constitutionnel». «Nous sommes choqués par ce (soulèvement)», a affirmé l'ancien président Kumba Yala, arrivé deuxième au premier tour derrière l'ancien Premier ministre Carlos Gomes Junior, arrêté par les putschistes.

Le coup d'État est intervenu à deux semaines du second tour de la présidentielle qui devait opposer Carlos Gomes Junior à Kumba Yala, qui avait refusé d'y participer invoquant des «fraudes massives» au premier tour. Son boycott avait été suivi par quatre autres candidats éliminés, faisant craindre des troubles dans ce pays gangrené par le trafic de drogue et abonné aux violences politico-militaires. Lundi, toute la journée, représentants de la junte et de l'ex-opposition ont poursuivi leurs discussions dans le cadre de l'accord passé la veille et qui prévoit notamment la création d'un Conseil national de transition (CNT).

Selon Henrique Rosa, candidat défait au premier tour de la présidentielle, aucun des cinq candidats contestataires des résultats du scrutin ne participera au CNT. Il n'a toutefois pas précisé quelle sera l'attitude de leurs partis, notamment du premier d'entre eux, le Parti de la Rénovation sociale (PRS) de Kumba Yala.



Revirement apparent

Cet apparent revirement des chefs de l'opposition, alors même que leurs partisans continuaient de négocier avec les putschistes, est survenu à quelques heures de l'arrivée à Bissau d'une délégation de la Cédéao, forte de plusieurs ministres et chefs d'état-major de pays de la région.

La délégation devait rencontrer lundi soir les membres d'une «commission diplomatique» créée spécialement en attendant la mise en place du CNT, avant de repartir dans la nuit, selon une source à la Cédéao. Depuis le putsch, toutes les institutions du pays ont été dissoutes. L'ex-Premier ministre Carlos Gomes Junior, favori du second tour de la présidentielle qui était prévu le 29 avril, et le président par intérim Raimundo Pereira ont été arrêtés, ainsi que plusieurs responsables du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, ex-pouvoir).

Malade, souffrant de diabète, M. Gomes Junior a reçu samedi la visite du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui lui a donné des médicaments. Lundi, dans les rues de Bissau, la plupart des administrations et des banques étaient fermées, en réponse à un appel à la grève générale contre le coup d'État. Échaudés par une longue expérience de coups d'États, mutineries sanglantes et assassinats politiques depuis l'indépendance du pays en 1974, de nombreux Bissau-Guinéens fuyaient la capitale pour l'intérieur du pays par crainte d'une flambée de violences.

Dimanche soir, la junte a annoncé la fermeture des frontières maritimes et aériennes après la décision du Portugal, ancien colonisateur, de dépêcher des moyens militaires navals et aériens pour préparer une évacuation de ses quelque 4000 ressortissants.Les putschistes ont averti que la violation de cette interdiction entraînerait «automatiquement une riposte militaire», tout en acceptant dans le même temps une médiation de l'ancien président du Timor oriental et prix Nobel de la paix, José Ramos-Horta.