Le Parlement soudanais a proclamé lundi comme «ennemi» le gouvernement du Soudan du Sud après la prise de contrôle par ses troupes de la zone frontalière de Heglig, principal champ pétrolier du Soudan.

Une résolution en ce sens adoptée à l'unanimité par les députés à Khartoum est intervenue au lendemain d'un bombardement aérien soudanais d'un camp de Casques bleus en territoire sud-soudanais faisant 10 morts et 14 blessés parmi les civils aux alentours du camp, selon les Sud-Soudanais.

«Le gouvernement du Soudan du Sud est un ennemi et tous les organismes d'Etat doivent le traiter selon ce principe», annonce le Parlement dans sa résolution, au moment où les craintes d'une nouvelle guerre civile s'amplifient du fait des violents combats entre les deux pays voisins.

Le président du Parlement, Ahmed Ibrahim El-Tahir, a appelé l'assemblée à renverser le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), les ex-rebelles sudistes désormais au pouvoir au Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011 à la suite d'une guerre civile dévastatrice. «Nous rassemblons toutes nos ressources pour combattre le SPLM jusqu'à ce que nous mettions fin à son gouvernement au Soudan du Sud», a-t-il dit.

À Juba, le ministre de l'Information sud-soudanais Barnaba Marial Benjamin a jugé «regrettable» la résolution du Parlement. «Nous n'avons jamais été leur ennemi. Notre position est que nous ne les considérons pas comme notre ennemi». Les relations entre les nordistes à Khartoum et les sudistes à Juba sont tendues depuis la partition, les deux pays ne parvenant pas à régler les questions restées en suspens: tracé de la frontière, partage des revenus pétroliers, statut de la province frontalière d'Abyei.

Après s'être mutuellement accusées de soutenir des rebelles, les deux armées se sont directement affrontées pour la première fois fin mars lors d'une première incursion sud-soudanaise dans la zone contestée de Heglig, dans l'Etat du Kordofan-Sud, au Soudan. La situation s'est envenimée quand l'armée sud-soudanaise a pris le contrôle le 10 avril de Heglig, qui renferme la moitié des réserves pétrolières du Soudan. Dimanche, l'aviation de Khartoum a bombardé un camp de Casques bleus de l'ONU dans l'Etat d'Unité, au Soudan du Sud. La mission de maintien de la paix de l'ONU a confirmé le raid sans faire état de victime dans le camp. L'armée soudanaise n'était pas joignable.

«C'est une guerre», a estimé un diplomate étranger. «Le problème c'est qu'il y a un déséquilibre logistique militaire entre le Nord et le Sud, c'est que le Sud ne dispose pas d'aviation. Ils sont obligés de répondre sur terre». Les États-Unis ont «condamné fermement» le bombardement du camp et exhorté les deux pays à cesser «immédiatement et sans conditions» les hostilités. «Nous voulons que le Soudan du Sud retire ses forces immédiatement et sans conditions de Heglig», a indiqué le département d'État. L'envoyé spécial américain au Soudan, Princeton Lyman, a rencontré à Juba le président Salva Kiir qui se rend le 23 avril en Chine, un allié de longue date de Khartoum. Mais malgré les appels de la communauté internationale et une contre-offensive soudanaise, Juba a affirmé que ses forces ne se retireraient de Heglig que lorsque Khartoum aura cessé ses bombardements aériens et quitté la province voisine d'Abyei.

La facilité avec laquelle les Sud-Soudanais se sont emparées de Heglig pose question au Soudan. «Comment avons-nous pu perdre Heglig en quelques heures?» a lancé Samia Habani, une député devant ses collègues. «C'est inacceptable». Une telle prise est «rare dans l'istoire de l'armée soudanaise» et quelqu'un doit en être tenu pour responsable, a dit Alfa Hachem, député du Darfour.

Selon des experts, le ministre de la Défense Abdelrahim Mohammed Hussein est sur la sellette depuis la prise de Heglig. Le contrôle de cette zone est crucial pour l'économie soudanaise, qui a perdu environ 75% de sa production pétrolière et des milliards de dollars de recettes avec la sécession du Soudan du Sud. Les agences humanitaires ont averti que les combats aggravaient une situation humanitaire déjà précaire. Dans le camp de Yida dans l'Etat d'Unité, à 25 km de la frontière soudanaise, quelque 400 réfugiés arrivent tous les jours, selon l'International Rescue Committee. Les réfugiés fuient les combats et la faim dans les montagnes du Nuba, au Kordofan-Sud, où l'aide est bloquée par l'armée soudanaise.