Par sa fenêtre, qu'il garde fermée dès la tombée du jour, Ati Cissé n'attend qu'une chose: voir l'armée malienne débarquer en sauveur. «C'est notre seul espoir. Vraiment», dit le résidant de Gao.

Porte du désert malien, Gao est tombé aux mains des rebelles le 31 mars dernier. Tout comme Kidal qui avait été conquis la veille. Et Tombouctou qui allait chuter le lendemain.

L'assaut sur la ville a été lancé par un drôle de triumvirat: des rebelles touaregs réclamant l'indépendance du nord du Mali, des islamistes locaux et des hommes armés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, passés maîtres dans le trafic d'armes et les enlèvements d'étrangers.

«Tout a été saccagé, raconte Ati Cissé. Les rebelles s'en sont d'abord pris aux institutions de l'État et aux organisations non gouvernementales.» Les hôpitaux ont été dévalisés. Les banques ont été littéralement éventrées. Les hangars de la Croix-Rouge, remplis de denrées humanitaires, ont été vidés.

«Maintenant, ils se tournent vers les maisons des habitants de la ville», ajoute Ati Cissé. Des résidants de Gao ont ainsi vu leur voiture disparaître. Leurs biens, confisqués. Des bandits, qui profitent du chaos ambiant, ont joint leur délinquance aux pillages des rebelles.

Le calvaire

Des viols ont été signalés, mais Ati Cissé est incapable de confirmer cette information que véhiculent des officiers de l'armée à Bamako, capitale du Mali.

La vie économique de Gao est au point mort. Plus personne ne travaille. L'alimentation en eau et en électricité est limitée à quelques heures par soir, période pendant laquelle les civils restent terrés chez eux. «Ce n'est plus une vie, c'est un calvaire», lance Ati Cissé, sur un ton incroyablement calme.

«Tous ceux qui le peuvent partent. Nous, pour le moment, on reste, mais si nous manquons de ressources, nous partirons aussi», ajoute-t-il, en notant que les rebelles touaregs, regroupés dans le Mouvement national de libération de l'Azawad, sont contrariés de voir la population locale prendre la poudre d'escampette.

Le 6 avril dernier, ils ont proclamé l'indépendance du nord du Mali. Ils veulent faire de Gao leur chef-lieu. «Mais la population locale n'a aucune sympathie pour eux.»

3000 hommes à battre

Rencontré à Montréal hier, dans les bureaux d'Oxfam-Québec, Mamadou Goïta, habituellement établi à Bamako, croit que le règne des rebelles ne fera pas long feu. En tout, ces derniers ne sont que 3000, dispersés dans une demi-douzaine de bases de l'armée dont ils ont pris le contrôle, relate-t-il. «L'armée malienne, si elle est bien équipée, pourra reprendre le dessus», croit le secrétaire de direction du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l'Afrique de l'Ouest.

Le militant malien craint cependant que la population civile ne souffre beaucoup avant leur départ. «Nous devons établir des couloirs humanitaires pour nous rendre jusqu'aux populations qui se retrouvent coupées du reste du monde», plaide l'expert de la sécurité alimentaire, autre talon d'Achille de la région secouée par la rébellion et où les malheurs se déclinent en grappes ces jours-ci.