Les Parlements respectifs des deux Soudans ont appelé leur population, le mercredi 11 avril, à se préparer à une nouvelle guerre. Des combats font rage depuis deux jours le long de leur frontière commune dans une zone pétrolière contestée, déjà théâtre de graves affrontements en mars.

À Khartoum, le Parlement soudanais a décidé de suspendre les pourparlers avec Juba et de rappeler la délégation soudanaise participant à ces discussions à Addis Abeba, sous l'égide de l'Union africaine (UA).

Ces pourparlers avaient connu une avancée majeure en mars, avec l'annonce d'une visite historique début avril à Juba du président soudanais Omar el-Béchir pour un sommet avec son homologue sud-soudanais Salva Kiir, finalement annulée par les combats des 26 et 27 mars.

Les députés soudanais ont aussi annoncé une «mobilisation» et une mise «en alerte» de la population, emboîtant le pas au président Béchir, qui, fin mars, avait déjà mis sur pied un comité de mobilisation.

À Juba, le président de l'Assemblée nationale sud-soudanaise a, lui, appelé mercredi les députés «à mobiliser la population» pour la préparer en cas de guerre avec le Nord.

«Khartoum pourrait chercher une vraie guerre (...) Si vous ne vous défendez pas, vous serez anéantis, alors vous devriez aller mobiliser la population sur le terrain pour qu'elle soit prête», a-t-il déclaré.

L'armée sud-soudanaise (SPLA) tenait mercredi le champ pétrolier de Heglig, revendiqué par les deux pays et pris la veille à Khartoum, a affirmé Mac Paul, vice-directeur des renseignements militaires sud-soudanais.

«La SPLA tient ses positions à Heglig et les bombardements (soudanais) continuent (...) il y a eu des bombardements toute la nuit» en territoire sud-soudanais, a-t-il déclaré à l'AFP à Bentiu, capitale de l'État sud-soudanais d'Unité, province frontalière riche en pétrole.

La zone de Heglig avait été brièvement conquise le 26 mars par la SPLA - qui avait affirmé avoir contre-attaqué après l'entrée de troupes soudanaises sur son sol - avant d'être reprise le lendemain par l'armée de Khartoum.

Mardi, une journaliste de l'AFP qui se trouvait avec des troupes sud-soudanaises à Tashwin, village situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Bentiu et à l'est de Heglig en zone frontalière, avait déjà entendu des tirs nourris d'artillerie lourde.

Selon elle, un bombardier soudanais avait survolé la zone tout l'après-midi, lâchant au moins une bombe à moins d'un kilomètre de l'endroit où elle se trouvait.

Dans le même temps, elle avait constaté d'importants mouvements de troupes sud-soudanaises près de la frontière, en direction de Heglig.

Des mouvements de troupes continuaient mercredi à Bentiu, en direction de la frontière, à une centaine de kilomètres plus au nord, toujours selon la journaliste de l'AFP.

«Par tous les moyens»

Face à ce qu'il considère comme une agression dans son État du Kordofan-Sud, le Soudan a promis mardi soir de réagir «par tous les moyens».

Mercredi, les rebelles du SPLM-N (Mouvement de libération des peuples du Soudan - Nord) qui combattent Khartoum au Kordofan-Sud ont nié appuyer les forces sud-soudanaises dans leur offensive sur Heglig, comme l'ont affirmé les autorités soudanaises mardi soir.

«Nous ne sommes absolument pas impliqués», a affirmé Arnu Ngutulu Lodi, porte-parole du SPLM-N, qui combat depuis juin l'armée soudanaise au Kordofan-Sud, où Khartoum cherche à asseoir son autorité.

Une partie de la population de cet État a combattu au côté des rebelles sudistes pendant les décennies de guerre civile conclue par des accords de paix de 2005 ayant débouché sur l'indépendance du Soudan du Sud en juillet dernier.

Le Sud a alors hérité des trois-quarts des réserves pétrolières du Soudan d'avant la sécession et Heglig représente une grande part de ce que le Nord produit encore.

Depuis la partition, le pétrole reste une source de tension majeure entre les deux voisins: Juba et Khartoum se disputent des zones riches en brut et ne parviennent pas à s'entendre sur les frais de passage que le Sud doit payer pour exporter sa production via les oléoducs du Nord, dont il dépend.

Les 26 et 27 mars, Juba et Khartoum s'étaient livré des combats d'une ampleur sans précédent depuis la partition avec raids aériens, interventions de chars, artillerie lourde.