Les Touareg ont conquis tout le nord du Mali. Au coeur de cette conquête: le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) qui contrôle un territoire de plus de 800000 kilomètres carrés. Notre collaborateur au Mali dresse le portrait de ces rebelles aux visages discordants.

«Nous proclamons solennellement l'indépendance de l'Azawad», a lancé pompeusement Mossa Ag Attaher, porte-parole du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) sur les ondes de la chaîne française France 24, vendredi dernier.

Cette déclaration précipitée, condamnée unanimement par la communauté internationale, met fin à deux mois de combats qui se sont soldés par une armée malienne en déroute, paniquée devant les rebelles.

Profitant du coup d'État du 21 mars dernier fomenté par des mutins exigeant plus de moyens pour combattre et paralysant le haut commandement de l'armée, le MNLA contre-attaque. Comme un jeu de cartes, toutes les grandes villes du Nord tombent en 48 heures: Tombouctou, Gao, Kidal.

Pourtant, avant le 17 janvier dernier, personne ne connaissait ce groupe armé qui revendiquait l'attaque du petit camp militaire de Ménaka.

Pas une première

Ce n'est pas la première fois que le Mali fait face à une rébellion des Touareg depuis son indépendance de la France, en 1960. Mais c'est la première fois qu'une rébellion touareg exige l'indépendance. C'est aussi la première fois que les rebelles réussissent militairement à contrôler l'Azawad, une région qui touche tout le nord du Mali.

Le 5 avril dernier, le MNLA a décrété la fin des combats et dit contrôler tout le Nord. Le lendemain, le mouvement a fait une déclaration précipitée et unilatérale d'indépendance, un appel rejeté par la communauté internationale.

«Le MNLA, c'est le regroupement de plusieurs mouvements hétéroclites et disparates dont les objectifs n'étaient pas les mêmes au départ,» souligne Naffit Keita, professeur d'anthropologie à l'Université de Bamako et spécialiste des Touareg.

Depuis le cessez-le-feu, l'apparence d'unité disparaît et cinq mouvements se dessinent. Le MNLA reste le courant principal. À l'automne dernier, plusieurs combattants touareg qui avaient intégré l'armée libyenne et qui défendaient Mouammar Kadhafi sont revenus au Mali bien armés. Du coup, leur leader, Ag Mohamed Najem, parent du leader historique touareg Ibrahim Ag Bahanga, a lancé l'offensive au nom du MNLA.

«Depuis la mort de Bahanga, en août dernier, ses anciens supplétifs libyens parlaient de prendre les armes. Tout le monde savait que quelque chose se passait», explique le professeur Keita. Les héritiers de Bahanga n'ont cependant jamais flirté avec le salafisme.

Factions salafistes

C'est le 1er avril dernier que le groupe salafiste Ansar Dine, «partisans de la foi» en arabe, s'est manifesté lorsqu'il a pris d'assaut Tombouctou.

Tous ignoraient son existence avant qu'il ne fasse flotter son drapeau noir sur la ville aux 333 saints. «Nous, ce qu'on veut, ce n'est pas l'Azawad, c'est l'islam. On veut pratiquer la sharia dans tout le Mali,», a déclaré un chef militaire anonyme devant des journalistes locaux à Tombouctou.

Ansar Dine a chassé le MLNA hors des enceintes de la ville. Les Tombouctiens ne savent trop comment percevoir ces islamistes proches d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Mohamed, qui préfère taire son nom complet par crainte de représailles, explique cette hésitation. «Les femmes doivent porter le hidjab. Mais Ansar Dine a arrêté les pillards. Le MNLA, lui, y participait.»

Cette faction est dirigée par Iyad Ag Ghaly, autre figure historique. La vie du cinquantenaire est un téléroman: il a combattu au Pakistan, au Liban, en Libye et finalement en Afghanistan où les rumeurs disent qu'il a tronqué ses nuits de whiskey pour celles de prières.Trois autres mouvements seraient aussi derrière la rébellion: le Front de libération national de l'Azawad, dont on sait toujours très peu, AQMI et le Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), groupe dissident d'AQMI.

La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) se prépare à envoyer 3000 militaires. On prend très au sérieux ces groupes qui pourraient déstabiliser toute la région.