Le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé mercredi la fin des hostilités dans le nord du Mali passé sous le contrôle de rebelles touareg et de groupes islamistes alors que sur le terrain la situation se détériorait avec des viols, pillages et saccages signalés.

Dans une déclaration proposée par la France les 15 membres du Conseil de sécurité ont aussi réclamé le retour à un gouvernement légitime à Bamako où une junte militaire a renversé le président Amadou Toumani Touré il y a deux semaines.

Profitant du putsch de Bamako, les touareg et les islamistes ont pris en fin de semaine le contrôle des trois métropoles du nord du Mali, Kidal, Gao et Tombouctou, quasi sans rencontrer de résistance de la part d'une armée malienne sous-équipée et désorganisée.

Selon des diplomates, les membres du Conseil «s'inquiètent de la présence dans la région du groupe terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique» (AQMI), ce qui pourrait selon eux «déstabiliser encore davantage la situation».

Ils «condamnent fermement les attaques, les pillages et la confiscation de territoire auxquels se livrent des groupes rebelles dans le nord du Mali et exigent une cessation immédiate des hostilités».

Ils invitent les rebelles à «cesser immédiatement toute violence et à rechercher une solution pacifique par un dialogue politique».

L'Union européenne de son côté a appelé mercredi à un «cessez-le-feu immédiat» dans le nord du Mali.

Par ailleurs, le Conseil «soutient les efforts de la CÉDÉAO», la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, qui a décrété un embargo contre les putschistes et les menace d'une intervention militaire.

À Bamako, la situation politique paraissait toutefois bloquée. Un front anti-junte a rejeté mercredi une proposition de convention nationale proposée par les militaires pour le lendemain en vue d'une sortie de crise.

Le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la république «ne participera pas» à cette convention, indique un communiqué du FDR qui affirme rassembler une cinquantaine de partis politiques et une «centaine» d'associations et organisations syndicales.

Mais c'est surtout dans le nord que les populations souffraient le plus de la chute de la moitié du pays aux mains de la rébellion touareg et des islamistes.

«Les populations du Nord-Mali, singulièrement celles de Gao, subissent de graves violations des droits de l'homme» depuis «l'invasion des combattants MNLA (rébellion touareg), Ansar Dine (groupe islamiste) et AQMI», a déclaré la junte dans un communiqué.

«Les femmes et les filles sont enlevées puis violées par les nouveaux occupants qui y dictent leur loi», ajoute le texte.

90 000 personnes déplacées «sans assistance»

Des témoignages sont venus corroborer ces accusations.

«C'est une réalité, ici. La nuit, ils enlèvent des femmes, ils les emmènent, ils les violent», a affirmé à l'AFP un habitant de Gao, assurant avoir connaissance d'une «dizaine de cas au moins».

Le nord du Mali est devenu totalement inaccessible à la presse et aux organisations internationales. Mais de nombreux habitants interrogés depuis Bamako ont fait état de saccages et pillages à Gao et Tombouctou, visant en particulier des bâtiments publics, des locaux et entrepôts d'ONG internationales.

Quelque 90 000 personnes déplacées qui se trouvaient à Gao, Tombouctou et Kidal, sont aujourd'hui «sans assistance», s'est inquiété mercredi un porte-parole de Caritas internationalis à Rome.

«Les édifices publics, les bureaux privés, les banques, les sièges d'ONG, les banques alimentaires, tout a été saccagé» par les assaillants, affirme depuis Gao un employé d'organisation humanitaire.

«Il n'y a plus d'hôpital, plus de dispensaire, plus de centre de santé communautaire», poursuit-il. «Ils ont enlevé même les lits, même les portes de l'hôpital».

Kidal, dont le chef d'Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, est originaire, a été épargnée car ce sont essentiellement ses combattants qui ont capturé la ville, selon un observateur.

Dans la ville historique de Tombouctou, les hommes d'Ansar Dine, appuyés par des éléments d'AQMI, ont pris le dessus sur le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et mis fin aux pillages, annonçant vouloir appliquer la loi islamique, selon des habitants.

Trois des principaux chefs d'AQMI ont aussi été signalés mardi dans Tombouctou, dont Mokhtar Belmokhtar, figure historique d'AQMI.

À Gao, trois groupes distincts se partagent le contrôle de l'agglomération, selon un député local, Abdou Sidibé: les Touareg du MNLA, les islamistes d'Ansar Dine et d'un groupe dissident d'AQMI, et enfin des trafiquants et groupes criminels.

Pendant ce temps à Bamako, le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, devait rencontrer le médiateur ouest-africain, le ministre burkinabé des Affaires étrangères Djibrill Bassolè.

Soumise depuis lundi à un embargo diplomatique, économique et financier imposé par ses voisins, la junte s'est vue infliger mardi de nouvelles sanctions par l'Union africaine (UA) et les États-Unis.

Elle reste également sous la menace d'une intervention militaire ouest-africaine, alors que les chefs d'état-major de la CÉDÉAO doivent se retrouver jeudi à Abidjan pour activer une force régionale déjà en alerte.