Le chef de l'église copte orthodoxe d'Égypte, le patriarche Chenouda III, est décédé samedi à l'âge de 88 ans, laissant derrière lui une communauté inquiète face à la poussée islamiste dans le pays après la chute du président Hosni Moubarak en février 2011.

Le chef de la plus importante église chrétienne d'Orient souffrait d'insuffisance hépatique et de tumeurs aux poumons, a indiqué l'agence officielle Mena en annonçant sa mort.

Né en août 1923, Chenouda III avait depuis de nombreuses années des ennuis de santé et avait été un temps soigné aux États-Unis.

La nouvelle de sa mort a provoqué la consternation parmi les fidèles de l'église copte orthodoxe qu'il a dirigée pendant près de quatre décennies. Les Coptes sont estimés entre 6 et 10% des quelque 82 millions d'Égyptiens, alors que l'Église copte parle de 10 millions de fidèles.

Des milliers de fidèles se sont rendus en soirée à la grande cathédrale Saint-Marc du Caire, siège de l'église copte, dont les cloches ont commencé à sonner à l'annonce de sa mort.

«Les chrétiens comme les musulmans vont le regretter. Il était avant tout un patriote», déclarait Oussama al-Gammal, 37 ans, venu se recueillir.

Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir, et son chef Hussein Tantaoui «expriment leurs plus profondes condoléances au peuple d'Égypte et aux chrétiens qui en font partie après la mort du pape Chenouda III».

Dans un communiqué, le CSFA souligne que le patriarche avait «oeuvré toute sa vie pour protéger l'unité de l'Égypte».

Son décès est «une grave calamité qui afflige l'Égypte tout entière et son noble peuple, musulmans et chrétiens», a déploré le mufti d'Égypte Ali Gomaa, alors que le Parti de la liberté et la justice, issu des Frères musulmans, a salué son «grand rôle» en Égypte.

Au Vatican, le porte-parole du Saint-Siège a déclaré que le pape Benoît XVI «s'unit spirituellement à la prière» des chrétiens coptes pour celui qui fut un «grand pasteur».

La mort de Chenouda III va ouvrir au sein de la hiérarchie de cette église un complexe processus de désignation de son successeur, pour lequel aucun nom ne s'est imposé ces dernières années. Son Église ne reconnaît pas la primauté de la papauté catholique ni celle du patriarcat orthodoxe de l'Est.

Élu primat de cette église en 1971, et 117e successeur de l'évangéliste et père fondateur Saint-Marc, il a conduit d'une main de fer sa communauté passant de la confrontation à la conciliation avec le pouvoir en Égypte, un pays gagné par l'islamisme.

Très conservateur, il s'est opposé avec fermeté à tout assouplissement des règles interdisant le divorce à ses fidèles.

Ces dernières années, il a dû par ailleurs faire face à une progression des violences contre les Coptes.

Et la victoire des Frères musulmans aux premières législatives post-Moubarak, de même que la percée de partis salafistes ultra-conservateurs, ont provoqué un regain d'inquiétude parmi les Coptes. Même si les Frères musulmans ont multiplié les déclarations rassurantes à leur égard.

En décembre 2011, Chenouda III avait estimé que «l'Égypte traverse une période transitoire critique» et salué le rôle des forces armées, «qui ont fait des sacrifices pour le bien de l'Égypte et de son peuple».

Pourtant, deux mois auparavant la répression par l'armée d'une manifestation de militants coptes au Caire avait fait 25 morts, dont une majorité de chrétiens, renforçant le sentiment de précarité et de discrimination largement répandu dans cette communauté.

Et au début de l'année 2011, lors de la messe du Nouvel an, un attentat contre une église d'Alexandrie (nord) avait fait une vingtaine de morts parmi les fidèles.

De nombreuses violences anti-coptes ont eu lieu depuis la chute de M. Moubarak.

Dans les années 1980, Chenouda III fut destitué et assigné à résidence par le président Anouar al-Sadate, dont il critiquait le rapprochement avec Israël et l'ouverture en direction des islamistes, avant de devenir un soutien du président Moubarak.

La révolte populaire de janvier-février 2011 le prend au dépourvu alors que nombre de ses fidèles sont dans la rue pour réclamer le départ de M. Moubarak.