Une ONG ougandaise a dit jeudi avoir dû cesser la projection dans le nord de l'Ouganda, où sévissait l'Armée de résistance du Seigneur (LRA, Lord's Resistance Army), d'une vidéo ultra-diffusée sur l'internet sur cette brutale rébellion, en raison de l'hostilité des habitants, dont des victimes.

Le Réseau des Initiatives de la jeunesse africaine (AYINET) avait décidé de projeter mardi aux habitants de la localité de Lira, à environ 400 km au nord de Kampala, la vidéo Kony 2012, réalisée et mise en ligne par une ONG américaine appelant à l'arrestation de Joseph Kony, le chef de la LRA.

«Nous voulions que les gens soient intégrés au débat, mais nous avons finalement dû arrêter (la projection) parce que les gens avaient des réactions extrêmement fortes contre le film et étaient très en colère», a expliqué à l'AFP Victor Ochen, directeur d'AYINET.

Kony 2012, vidéo d'une trentaine de minutes qui selon ses promoteurs vise à rendre «célèbre» le chef de la LRA aujourd'hui «invisible» afin de faciliter son arrestation, a été vue par environ 80 millions d'internautes depuis début mars, non sans créer la polémique.

«Dès qu'ils ont vu le clip disant que les gens devraient rendre Kony célèbre, les gens se sont énervés et ont commencé à réagir», certains en lançant des pierres, a raconté M. Ochen, contraignant les organisateurs à arrêter la projection et à renoncer à organiser d'autres projections dans le reste de la région.

Selon M. Ochen, les milliers de spectateurs -dont d'ex-victimes, souvent mutilées de la LRA- de la séance mardi ont protesté contre ce qu'ils ont perçu comme de l'insensibilité et une vue dépassée de la situation dans le nord de l'Ouganda de la part des réalisateurs du film.

«Les gens demandaient pourquoi ils montraient des enfants blancs en Amérique et ne disaient pas la vérité sur la situation des habitants de la zone. Nous avons compris que les réactions seraient les même où que nous allions», a-t-il poursuivi.

La LRA dont le nom est associée aux mutilations de civils et aux enlèvements d'enfants qu'elle transforme en soldats ou en esclaves sexuels, a terrorisé durant 20 ans le nord de l'Ouganda, avant d'en être chassée par l'armée ougandaise en 2006 et d'opérer désormais chez ses voisins, notamment en Centrafrique.

Kony, un ex-enfant de choeur semi-analphabète, a pris en 1988 la tête de ce mouvement dont l'objectif était de remplacer le gouvernement à Kampala par un régime fondé sur les Dix commandements.

Il est inculpé de viol, mutilations, meurtres et recrutement d'enfants par la Cour pénale internationale (CPI) et plusieurs armées de la région sont à sa poursuite depuis 2008, pour l'heure, sans succès.