La Cour pénale internationale (CPI) a rendu mercredi le premier jugement de son histoire, en reconnaissant coupable de crimes de guerre l'ancien chef de milice de République démocratique du Congo (RDC) Thomas Lubanga qui avait utilisé des enfants soldats en 2002-2003.

«La chambre a conclu à l'unanimité que l'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Thomas Lubanga est coupable des crimes de conscription et d'enrôlement d'enfants de moins de quinze ans et les a fait participer à un conflit armé», a déclaré le juge britannique Adrian Fulford qui a lu un résumé du jugement lors d'une audience publique à La Haye.

Le juge a précisé qu'une peine serait prononcée ultérieurement à l'encontre de Thomas Lubanga, 51 ans, qui plaidait non coupable et encourt trente ans de prison. Il avait été transféré à La Haye en 2006 où son procès, ouvert le 26 janvier 2009, s'était achevé le 26 août 2011.

Vêtu d'une tunique et d'un calot blancs traditionnels, l'ancien chef de milice est resté impassible durant la lecture du jugement, échangeant seulement un bref sourire avec son épouse, au premier rang du public, à la fin de l'audience.

L'actrice américaine Angelina Jolie, qui soutient le travail de la Cour depuis des années, était également assise au premier rang de la galerie du public, au milieu d'une cinquantaine de journalistes, magistrats et diplomates notamment, séparés de la salle d'audience par une baie vitrée.

«Le verdict d'aujourd'hui apportera peut-être un certain réconfort aux victimes des actes de M. Lubanga. Il constitue aussi et surtout un message fort contre l'utilisation d'enfants soldats», a souligné dans un communiqué l'actrice qui avait également assisté à l'ouverture du procès.

«Un signal que l'impunité n'existe pas»

Fondateur de l'Union des patriotes congolais (UPC) et ex-commandant des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), la branche militaire de l'UPC, Thomas Lubanga a été reconnu coupable d'avoir utilisé des enfants soldats durant la guerre civile en Ituri (nord-est de la RDC) en 2002 et 2003.

Les affrontements interethniques et les violences entre milices pour le contrôle des mines d'or et d'autres ressources naturelles dans cette région du nord-est de la RDC ont provoqué la mort de 60 000 personnes depuis 1999, selon des ONG humanitaires.

Les preuves, présentées par le bureau du procureur Luis Moreno-Ocampo, démontrent que des enfants, ont «été déployés en tant que soldats» et «ont participé à des combats», a déclaré le juge Fulford.

L'UPC/FPLC a utilisé des enfants comme «gardes militaires» et des enfants ont été utilisés comme garde du corps ou servaient dans la «garde présidentielle de Thomas Lubanga», a-t-il ajouté.

«Les éléments de preuve démontrent que dans les camps militaires les enfants suivaient des régimes de formation très durs et subissaient des châtiments sévères», a affirmé le magistrat.

Les juges ont toutefois critiqué le travail du bureau du procureur estimant qu'il n'avait pas assez «supervisé» les intermédiaires qu'il avait chargés de retrouver des enfants soldats victimes. Il «existe un risque» que ces intermédiaires aient «persuadé, encouragé ou aidé des témoins à faire de faux témoignages», a souligné le juge Fulford.

Premier tribunal pénal international permanent chargé de juger les auteurs présumés de génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, la CPI rendait son premier jugement près de dix ans après sa création par le Statut de Rome entré en vigueur en juillet 2002.

Le jugement de mercredi est «un signal très fort aux auteurs de crimes aussi graves, un signal que l'impunité n'existe pas», a commenté à l'AFP Géraldine Mattioli, chargée de la justice internationale pour l'ONG Human Rights Watch.

La défense a un délai de trente jours pour faire appel du jugement qui commencera à courir lorsque Thomas Lubanga aura pris connaissance de la traduction en français du jugement, rédigé en anglais.