Alors que les manifestations quotidiennes contre sa candidature pour un troisième mandat augmentent en violence à Dakar, le président sénégalais Abdoulaye Wade fait campagne, imperturbable. Il demeure malgré tout populaire et pourrait être réélu dimanche, explique notre collaborateur.

Le stade de Bambey, localité rurale du centre du Sénégal, est rempli d'une foule en bleu et jaune, les couleurs du parti de Wade. Parmi eux, beaucoup de jeunes et de femmes.

En première ligne, Ousmane Guèye, 19 ans, s'époumone à scander les slogans de son candidat. «Il a fait beaucoup pour notre localité. Il a ouvert une université ici,» se justifie-t-il en attendant, fébrile, l'arrivée de Wade.

À 85 ans, celui qu'on appelle tendrement Gorgui - le vieux, en wolof - sillonne le Sénégal avec sa machine électorale bien huilée et un horaire surchargé, comme un pied de nez à ceux qui le jugent trop âgé.

En une journée, il visitera six localités. Et il terminera sa journée au petit matin.

«Je suis le candidat des régions, celui qui aide à désenclaver,» décrète-t-il devant un autre stade rempli de milliers de partisans quelques kilomètres plus loin, à Diourbel. Le président sortant y a promis une centrale nucléaire et une nouvelle voie ferrée.

Wade fait mousser son bilan en région: création d'universités régionales, investissements dans le secteur agricole, réfection de routes. Environ 77% des 13 millions de Sénégalais habitent à l'extérieur de la capitale, Dakar, constituant un bassin électoral important.

Ce dernier arrêt de Wade dans le Sénégal rural est l'occasion de fouetter le vote dans une des régions où il obtient ses meilleurs scores, alors que seulement 4 des 14 candidats présidentiels ont réellement fait campagne hors de Dakar.

Pour sa réélection, Wade s'est donné les moyens: déplacements en hélicoptères, affiches publicitaires énormes, des kilomètres de tissus imprimés à son effigie...

La mairesse de Bambey, alliée de Wade, a offert 3 tonnes de riz, 10 boeufs et 3 moutons pour nourrir les partisans. La pratique est récurrente au Sénégal où il est un devoir pour les chefs de nourrir leur entourage. Certains passants espèrent une part du festin, leur seul repas de la journée. Dans la région, les récoltes ont été insatisfaisantes cette année, mettant des centaines de milliers de personnes en situation d'insécurité alimentaire.

Ce qu'on a vu ou pas vu

Le slogan de Wade résume toute sa campagne: «Ce qu'on a vu suffit.» Les 12 années de pouvoir de Wade ont métamorphosé le pays malgré des critiques justifiées, estime Abdou Lo, analyste politique.

«Il y a des infrastructures visibles, la diversification de l'économie et la confiance donnée aux jeunes,» explique le consultant. «Moi, trentenaire et chef d'entreprise, ça aurait été impossible sous le régime précédent.»

Dans un pays où les sondages politiques sont interdits, il est difficile d'évaluer exactement la popularité d'un chef. Sans aucun doute, Wade mobilise les foules. Mais il attise aussi la colère partout au pays. Dans un village côtier, son cortège a reçu les cailloux d'une foule hostile. Et la veille de son rassemblement à Diourbel, ses locaux de campagne ont été vandalisés.

Khady Ndoye, elle, ne votera pas pour Wade. «Il vient ici juste durant les campagnes, avec plein d'argent. Il fait des promesses qu'il ne tient pas», commente-t-elle en regardant le stade de Diourbel, paqueté de jeunes dont certains ont reçu quelques francs CFA pour participer. Pour la femme de 21 ans, c'est ce qu'elle n'a pas vu qui compte.