Le président Ali Abdallah Saleh s'est rendu lundi aux États-Unis afin d'y être soigné, au lendemain d'un discours d'adieu annonçant son départ du pouvoir au Yémen où des mutineries secouent l'armée.

M. Saleh, contesté dans la rue depuis un an et blessé dans une attaque contre son palais à Sanaa en juin, va poursuivre un «traitement» médical aux États-Unis, après avoir été hospitalisé en Arabie saoudite jusqu'en septembre, a indiqué l'agence officielle Saba.

Il a quitté dimanche soir Sanaa pour le sultanat d'Oman, accompagné de son épouse et de cinq de ses plus jeunes enfants, quatre garçons et une fille, avant de se rendre aux États-Unis, selon son entourage.

Son départ est intervenu alors qu'une vague de protestation touche l'armée. Des soldats et officiers à Sanaa et Aden (sud) ont observé des sit-in sur leurs bases pour réclamer l'éviction du général Mohammed Saleh al-Ahmar, commandant de l'armée de l'air et demi-frère de M. Saleh, selon des responsables.

M. Saleh a signé en novembre à Ryad un accord sur le transfert du pouvoir, en vertu duquel il demeure président à titre honorifique jusqu'à la présidentielle au 21 février.

Dans un discours d'adieu télévisé avant de quitter le pays, il a demandé pardon à ses «compatriotes, hommes et femmes, pour tout manquement pendant (ses) 33 ans de pouvoir».

«Je vais me rendre aux États-Unis pour des soins et je retournerai à Sanaa en tant que président du Congrès populaire général», le parti actuellement au pouvoir, a-t-il ajouté.

Il a souligné avoir «confié toutes (ses) prérogatives au vice-président (Abd Rabbo Mansour Hadi), qui assume les responsabilités jusqu'à son élection le 21 février» au poste de président.

Samedi, le Parlement a voté une loi accordant l'immunité à M. Saleh et entérinant la candidature unique de M. Hadi à la présidentielle.

Après ce scrutin, «nous installerons Abd Rabbo Mansour Hadi comme chef de l'État (...) et Ali Abdallah Saleh fera ses valises et ira s'installer dans sa résidence» privée, a ajouté le chef de l'État.

Mais ce discours n'a pas convaincu les milliers de jeunes qui campent depuis près d'un an à Sanaa pour réclamer le départ de M. Saleh, vivement contesté dans la rue où la répression de la révolte a fait des centaines de morts.

«Nous craignons qu'il ne s'agisse d'une nouvelle manoeuvre de Saleh», a affirmé Walid Ammari, un des meneurs du mouvement des «Jeunes de la révolution». «Nous poursuivrons notre sit-in et nous ne célèbrerons pas son départ. C'est la date du 21 février qui sera décisive pour l'Histoire du pays».

Des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dimanche pour exiger que M. Saleh soit traduit en justice.

À Washington, la Maison-Blanche a estimé que le départ de M. Saleh faciliterait la transition politique mais nié que les États-Unis tentaient ainsi d'influencer le cours des événements dans ce pays.

«La demande de M. Saleh de pouvoir se rendre aux États-Unis pour des soins a été approuvée et le but du voyage est uniquement des soins médicaux, nous nous attendons à ce qu'il y passe un temps limité correspondant à la durée de son traitement», a déclaré la présidence.

Le conseiller du président américain pour la lutte contre le terrorisme, John Brennan, a appelé la veille au téléphone M. Hadi pour l'assurer de l'aide des États-Unis pour une sortie de crise.

Le Yémen, l'un des pays les plus pauvres au monde, est en butte à d'énormes difficultés économiques, outre un courant sécessionniste dans le sud, une rébellion chiite dans le nord et un regain d'activités armées d'Al-Qaïda.

La Banque mondiale a annoncé la reprise de sa collaboration avec le Yémen en précisant avoir mis «fin à la suspension (durant six mois) des versements de tous ses crédits et dons de l'Association internationale de développement».