Le nouveau premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, un islamiste qui veut relancer la croissance et l'emploi, fait déjà face à une crise sociale aigue, puisque plusieurs chômeurs ont tenté de s'immoler par le feu.

M. Benkirane a fait jeudi devant les députés son discours de politique générale pour les cinq années à venir - un programme «visant à un taux de croissance de 5,5%» (4,5% en 2010) et «à réduire le taux de chômage à 8%», tout en maîtrisant vers 2% et le déficit budgétaire à 3%.

Or, un drame humain à proximité est venu la veille rappeler la gravité de la situation sociale.

Deux jeunes ont été hospitalisés après s'être transformés en torches humaines sur le mur d'une annexe du ministère de l'Éducation où ils menaient un sit-in avec une centaine d'autres chômeurs détenteurs de diplômes.

«Les deux hommes, dont un est brûlé au deuxième degré, sont toujours soignés dans les services de l'hôpital mais leur vie n'est pas en danger», a indiqué vendredi un infirmier de l'établissement à l'AFP.

Ce type d'action symbolique s'est répandu ces derniers temps dans les pays d'Afrique du Nord depuis l'immolation d'un protestataire tunisien en décembre 2010, qui avait déclenché le printemps arabe en Tunisie, puis en Égypte et en Libye.

Au Maroc, un pays de quelque 33 millions habitants, le chômage frappe durement la population en majorité rurale, et notamment les jeunes: officiellement établi à 9,6%, il touche 31,4% des moins de 34 ans.

Des milliers de Marocains, détenteurs de diplômes et sans emploi - 27% des diplômés universitaires ne trouvent pas de travail, selon l'agence marocaine de l'emploi - manifestent presque quotidiennement depuis des années pour obtenir un emploi dans la fonction publique.

Des cas de tentative d'immolation ou de suicides sont signalés de temps à autres, en général dans la quasi-indifférence de la population et des médias.

«Les premiers immolés du nouvel exécutif», commentait cependant vendredi le quotidien marocain Libération (gauche, opposition) pour qui ces jeunes chômeurs se sont immolés «pour protester contre les lenteurs, voire l'indifférence dans le traitement de leur dossier malgré l'engagement du gouvernement».

Le parti Justice et développement (PJD), islamistes modérés, a remporté les législatives de fin novembre et son chef, Abdelilah Benkirane, s'est vu nommé premier ministre par le roi Mohammed VI conformément à la nouvelle constitution.

Jeudi, le chef de l'exécutif a consacré une partie de son discours au parlement à la question sociale, une de ses priorités, à travers de nouvelles initiatives orientées vers les chômeurs diplômés de longue durée ou la promotion de l'emploi au sein des associations de proximité.

Logements sociaux, fonds publics d'assurance sociale aux plus démunis et autres projets, la liste de ses propositions est longue pour ranimer la croissance et rabaisser le chômage, ce qui est loin d'être acquis dans la conjoncture régionale et internationale actuelle.

Arrivé au pouvoir dans le sillage du printemps arabe - qui a vu l'islam politique se répandre dans plusieurs pays d'Afrique du Nord où la situation sociale était explosive - M. Benkirane bénéficiait d'une opinion publique favorable car il promettait un changement sans révolution.

Il garde encore d'un fort capital de confiance de la part d'une majorité de Marocains, selon une enquête publiée vendredi dans le quotidien des affaires L'Économiste. Il dispose aussi d'une majorité au parlement avec un cabinet de coalition.

Mais les chefs des deux principaux partis d'opposition ont indiqué à l'AFP qu'ils ne voteront pas la confiance au gouvernement, sans doute la semaine prochaine, alors que la rue - notamment les jeunes contestataires du Mouvement 20 février - attend que les promesses se réalisent.