Acclamée par une grande partie de la communauté internationale, la chute de Kadhafi a fait pousser un long soupir aux pays du Sahel, où la disparition du dictateur libyen faisait craindre la reprise d'une rébellion touareg. Une escarmouche hier semble suggérer que la reprise des hostilités ne se fera pas attendre, a constaté notre collaborateur au Mali.

Ménaka, petite ville isolée du nord-est du Mali, s'est réveillée brutalement au son des détonations. Même si rien n'est joué, beaucoup craignent qu'elles soient les premières d'une nouvelle rébellion touareg.

Tôt hier matin, une centaine de rebelles ont neutralisé le réseau téléphonique et tenté de s'emparer de deux bases militaires de la localité qui jouxte la frontière du Niger. L'armée malienne a rapidement répliqué par l'envoi d'un hélicoptère et de renforts. Les rebelles, sous les bombes, ont dû se replier dans une région boisée. L'armée affirme qu'elle a la situation bien en main, ce que nient les rebelles.

Cet assaut est le premier acte de violence revendiqué par le Mouvement national de libération de l'Azawad, le MNLA. Le groupe demande plus d'autonomie pour cette région majoritairement peuplée de Touareg.

Le MNLA dénonce par cette attaque le refus du gouvernement malien de discuter. Selon son porte-parole, Hama Ag Sid'Ahmed, l'augmentation des forces de sécurité dans la région depuis quelques semaines est une invitation à la guerre. «Des actions militaires importantes du MNLA continueront tant que Bamako ne reconnaîtra pas ce territoire comme une entité à part», explique M. Sid'Ahmed.

Scénario de violence

L'attaque de Ménaka, c'est le scénario catastrophe redouté qui pourrait devenir réalité: celui d'une nouvelle rébellion touareg. Depuis la fin de la guerre en Libye, plusieurs milliers d'ex-combattants et de civils originaires du Niger et du Mali sont revenus au bercail. Parmi eux, plusieurs membres de la communauté nomade des Touareg.

Les Touareg s'étaient déjà révoltés dans les années 90 et en 2007 pour exiger une décentralisation et l'amélioration de leurs conditions de vie. Après les accords de paix de 2009, Mouammar Kadhafi a recruté plusieurs ex-rebelles pour sécuriser le sud de la Libye et renforcer son armée. La chute du «roi des rois d'Afrique» a forcé le retour de ces combattants expérimentés et bien armés.

Depuis, les gouvernements de la région ont multiplié les initiatives politiques et les missions diplomatiques pour tenter d'apaiser les Touareg et aider cette région fragile. Plusieurs combattants ont accepté de participer au processus de paix du gouvernement malien. Mais d'autres ont refusé l'offre du président Amadou Toumani Touré au motif que le gouvernement ignore toujours les Touareg.

Al-Qaïda et Bono

Dans la capitale, Bamako, à plus d'un millier de kilomètres des attaques, on reste de marbre. Chez Bintou Coulibaly, petite gargote fréquentée par les militaires de la base voisine, l'événement n'alimente pas les discussions. «Tout le monde savait que ça arriverait un jour ou l'autre. Il y a trop de problèmes, par là», ironise la cuisinière. Les militaires l'approuvent en souriant, mais ils préfèrent se taire.

Isolée géographiquement et politiquement, la région du Sahel est l'une des plus pauvres au monde. Plusieurs groupes criminels y font le trafic de carburant, de cigarettes, de drogues et d'êtres humains. Al-Qaïda au Maghreb islamique y a multiplié les attaques contre les étrangers, privant la région de l'une de ses rares sources de revenus: le tourisme.

Ultime espoir: la présence du chanteur Bono dans la région, le week-end dernier, à un festival musical.

Le président malien a plusieurs fois souligné que le seul moyen de mettre fin à l'insécurité, c'est le développement économique. Mais les efforts mettent longtemps à se répercuter sur la vie des Touareg. Et le temps manque.