Les syndicats nigérians ont annoncé lundi la «suspension» de la grève générale d'une semaine provoquée par la hausse du prix de l'essence peu de temps après l'intervention des forces de sécurité à Lagos contre plusieurs centaines de personnes voulant manifester.

«Les syndicats et leurs partenaires annoncent formellement la suspension de la grève, des rassemblements et des manifestations à travers le pays», a déclaré à la presse à Abuja le chef de la puissante centrale syndicale nigériane, le Nigeria Labour Congress, Abdulwahed Omar.

À Lagos, métropole économique, environ 300 manifestants on protesté dans la rue, en jugeant insuffisante une première concession du président Goodluck Jonathan qui avait annoncé dans la nuit une baisse du prix de l'essence.

Les forces de sécurité ont procédé à des tirs de sommation et utilisé des gaz lacrymogènes à Lagos pour les disperser tandis que les autorités prenaient des mesures pour empêcher les rassemblements dans le pays dans le cadre de la grève générale.

Ce mouvement national, paralysant le pays le plus peuplé d'Afrique, avait commencé lundi 9 janvier, après la fin des subventions aux carburants qui a provoqué une flambée des prix à la pompe.

Les autorités prenaient parallèlement d'autres mesures pour empêcher les rassemblements dans le pays.

Toujours à Lagos, la police a effectué un raid d'une vingtaine de minutes dans les bureaux de la chaîne de télévision américaine CNN, sans qu'on sache s'il était lié au mouvement de protestation contre la hausse du prix des carburants.

Dans les bureaux de CNN, des membres de la police secrète sont passés outre la sécurité et ont posé des questions sur le nombre d'expatriés et les autorisations de travail, selon un témoin.

Pour la première fois depuis le début du mouvement lancé le 9 janvier, des soldats armés se sont déployés et ont érigé des barrages aux points stratégiques de la capitale économique du Nigeria.

Ils interdisaient notamment l'accès au principal lieu des grandes manifestations de la semaine dernière, un parc, et occupaient le terrain lui-même, a constaté l'AFP.

Le président Jonathan exige l'arrêt de la grève

Le dispositif militaire a été mis en place alors que le président Jonathan faisait une première concession, en annonçant une baisse de 30% du prix de l'essence pour tenter de stopper le mouvement.

«Compte tenu des difficultés rencontrées par les Nigérians (...), le gouvernement a approuvé une baisse du prix du carburant à 97 nairas le litre»,  a-t-il déclaré dans une adresse télévisée.

La brusque suppression au 1er janvier des subventions des carburants a entraîné le doublement du prix de l'essence à la pompe, passé de 65 nairas le litre (40 cents) à 140 nairas ou plus, du jour au lendemain.

M. Jonathan a toutefois refusé de céder sur le fond, affirmant que «le gouvernement allait continuer de poursuivre une déréglementation complète du secteur pétrolier».

«Je demande instamment aux dirigeants syndicaux d'appeler à la fin de la grève et à la reprise du travail», a ajouté le président.

Le gouvernement a justifié l'arrêt de subventions aux carburants, quelque 8 milliards de dollars, pour financer la modernisation des infrastructures du pays. Mais le doublement du prix de l'essence frappe durement une population dont la majorité vit avec moins de deux dollars par jour.

Si les grandes centrales ont dit vouloir poursuivre la grève, le principal syndicat du secteur pétrolier, le PENGASSAN, a répété dimanche qu'il n'envisageait pas dans l'immédiat la fermeture des plates-formes offshore.

Une grève du secteur du pétrole marquerait un net durcissement du conflit, le brut représentant 90% des exportations du Nigeria.

Le président a aussi affirmé que les manifestations avaient été «détournées» par des gens cherchant à semer «discorde, anarchie et insécurité».

Outre les protestations sociales, le Nigeria est aux prises avec un conflit récurrent entre chrétiens et musulmans qui a connu un regain d'acuité après des attentats anti-chrétiens revendiqués par le groupe islamiste Boko Haram.

Ces violences ont depuis Noël fait une centaine de morts et quelques manifestations organisées dans le cadre de la grève générale ont donné lieu à des violences à caractère confessionnel.