Le Nigeria, qui s'enfonce encore plus dans la spirale des violences ethnico-religieuses, était paralysé mercredi par une grève générale illimitée, entrée dans son troisième jour faute d'accord entre autorités et syndicats sur le prix des carburants.

Les deux syndicats de travailleurs du pétrole du Nigeria, le premier producteur de brut d'Afrique, ont menacé pour la première fois depuis le début de ce mouvement social contre la hausse des prix du carburant d'interrompre la production de brut.

Le président du syndicat PENGASSAN, dont les dirigeants sont réunis à Port Harcourt, la capitale pétrolière dans le sud du pays, a demandé «à toutes les plateformes de production de se mettre en alerte rouge en prévision d'un arrêt total de la production».

Un autre membre de ce syndicat a déclaré espérer que la décision d'interrompre la production sera prise d'ici mercredi soir.

«Nous envisageons l'arrêt de la production du pétrole», a également annoncé le chef du second syndicat de travailleurs du pétrole, le NUPENG (Syndicat nigérian des ouvriers du pétrole et du gaz naturel).

Les grévistes demandent le rétablissement des subventions aux carburants dont la suppression, le 1er janvier, a entraîné un doublement des prix de l'essence, frappant la majorité, démunie, des 160 millions de Nigérians.

Le pétrole est vital pour le Nigeria, le plus gros producteur de brut d'Afrique devant l'Angola avec près de 2,4 millions de barils par jour, et représente 90% de ses exportations.

Depuis lundi, des manifestations pacifiques ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans la grande métropole économique Lagos, dans un climat pacifique.

Ils étaient de nouveau plusieurs milliers ce mercredi dans les rues de Lagos à manifester dans le calme. Seuls quelques incidents isolés ont eu lieu dans un quartier chic de la ville, où des protestataires ont attaqué un véhicule de police à coups de bâtons et ont arraché des panneaux de signalisation.

«Je suis venu avec ma bouteille d'eau et ma brosse à dents, car nous n'allons pas quitter cet endroit jusqu'à ce que notre demande de carburant à 65 nairas (39 cents) ait aboutie», a déclaré Akinola Oyebode, un jeune manifestant de 23 ans.

«Nous ne nous laisserons pas intimider par la police parce que notre mouvement est légitime et constitutionnel», a-t-il ajouté.

À Kano, la plus grande ville du Nord, la manifestation a également rassemblé des dizaines de milliers de personnes et s'est déroulée sans incident majeur.

À Minna en revanche, capitale de l'État de Niger dans le centre du pays, des violentes émeutes ont éclaté dans la journée. Plusieurs bâtiments officiels ont été attaqués et un policier en faction devant l'un de ces immeubles a été tué.

À la suite de ces violences, les autorités locales ont imposé un couvre-feu de 24 heures dans l'ensemble de l'État de Niger.

Le gouvernement fédéral d'Abuja a demandé mardi soir à tous les grévistes de revenir à leur poste, en menaçant d'appliquer la politique «pas de travail, pas de salaire».

Avec la suppression des subventions sur le carburant, les autorités comptent réaliser 8 milliards de dollars d'économies pour financer des infrastructures.

Nombre de Nigérians interrogés par l'AFP se disent partagés: ils veulent la fin de la grève, mais aussi la baisse des prix à la pompe.

Un climat de guerre civile

À ce climat d'intenses revendications sociales, s'ajoute la poursuite des violences inter-religieuses entre musulmans et chrétiens.

Dans une nouvelle attaque contre des chrétiens dans le nord-est musulman, quatre personnes ont été tuées mercredi par balle à Potiskum (nord-est) par des membres présumés du groupe islamiste Boko Haram, selon des témoins.

Les victimes tentaient visiblement de fuir cette ville de l'État de Yobe, où l'état d'urgence est en vigueur depuis le 31 janvier, et qui est l'un des fiefs de Boko Haram.