Au moins cinq personnes ont été tuées lundi au Nigeria, dont quatre par balle, dans des affrontements entre policiers et manifestants lors de la grève générale contre la hausse des prix des carburants, a indiqué la Commission nationale des droits de l'homme.

Selon son secrétaire général, Chidi Odinkalu, trois personnes ont été abattues dans la capitale économique Lagos et une autre à Kano, la métropole du Nord.

Un enfant de 9 ans a également été tué à Kano, mais apparemment écrasé par la foule dans un mouvement de panique.

«L'enfant semble avoir été piétiné dans ce qui parait être un mouvement de foule à Kano», a-t-il dit à l'AFP. «Quatre autres personnes ont été tuées par balle selon ces informations», a-t-il ajouté.

La police a pour sa part confirmé la mort d'un manifestant à Lagos, ajoutant qu'un policier soupçonné avait été arrêté. Ce décès avait été annoncé dans un premier temps par un dirigeant syndical.

«Nous venons d'apprendre qu'une personne a été abattue par la police à Lagos», avait déclaré Abdulwahed Omar, président du Congrès national du travail, lors de manifestations à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria.

«C'est très triste que dans une démocratie que les gens qui sortent sans arme pour exprimer leurs doléances soient confrontés à des policiers armés», a-t-il ajouté.

À Kano, une source hospitalière a de son côté déclaré que deux manifestants touchés par balle avaient succombé à leurs blessures.

Selon un responsable de la Croix-Rouge de la ville, on y comptait une trentaine de blessés au total, dont 18 par balles.

Un correspondant de l'AFP a vu des policiers lancer des grenades lacrymogènes et tirer en l'air à Kano pour disperser une foule qui s'attaquait aux bureaux du gouvernement de l'État et à d'autres bâtiments officiels.

Un couvre-feu nocturne a été imposé dans la ville.

Le chef de la police de l'État de Kano, Ibrahim Idris, a confirmé la mort d'un manifestant et ajouté que sept autres avaient été blessés et 23 arrêtés.

Il a expliqué que la police avait été débordée et avait dû «demander le renfort de soldats pour disperser la foule déchaînée».

 

Plusieurs milliers de personnes sont descendues dans les rues de Lagos et de Kano, dans le cadre de la grève générale.

En début de matinée à Lagos, des jeunes ont bloqué un important axe routier en enflammant des pneus, jetant des pierres sur les policiers. «Bad Luck Jonathan» (Jonathan la malchance), criaient certains, en détournant le prénom du président nigérian, Goodluck (bonne chance) Jonathan.

Les rues de Lagos, habituellement embouteillées, étaient complètement vides, à l'exception des manifestants.

À Kano, la police a lancé des grenades lacrymogènes et tiré en l'air contre les milliers de manifestants qui tentaient d'envahir les bureaux du gouverneur de l'État, a constaté un journaliste de l'AFP.

Ils ont également tenté d'incendier le domicile du gouverneur de la Banque centrale Lamido Sanusi.

«Au total nous avons 30 blessés, dont dix-huit par balles», a indiqué le responsable de la Croix-Rouge à Kano Musa Abdullahi.

Les deux morts de Kano, âgés de 25 et 27 ans, ont succombé à leurs blessures, a déclaré plus tard une source hospitalière.

À Abuja, la capitale fédérale, d'importantes manifestations étaient également en cours. Les forces de sécurité tentaient de les empêcher d'atteindre le centre-ville.

Le mot d'ordre de grève générale semblait bien suivi dans le pays, le plus peuplé d'Afrique avec 160 millions d'habitants, également répartis entre chrétiens et musulmans.

«Tout ce que nous voulons, c'est que notre voix soit entendue», a indiqué John Lolawole, secrétaire général d'un des syndicats appelant à la grève, le Trade Union Congress.

«Pas de guerre de religion»

Les syndicats exigent que le gouvernement rétablisse les subventions aux carburants, dont la suppression le 1er janvier a entraîné une brusque hausse des prix de l'essence.

Le litre à la pompe est ainsi passé de 65 nairas (39 cents) à au moins 140 nairas (86 cents).

L'Assemblée nationale avait adopté dimanche une motion demandant au gouvernement de faire marche arrière. Les parlementaires ont également exhorté, sans succès, les syndicats à «suspendre leur projet de grève générale et de participer à un dialogue approfondi sur cette question».

Cette grogne sociale qui risque de paralyser le pays intervient sur fond de tensions interconfessionnelles grandissantes et d'attentats meurtriers.

Depuis les sanglants attentats du jour de Noël qui avaient fait au moins 49 morts, six nouvelles attaques contre des chrétiens dans le nord majoritairement musulman ont fait plus de 80 morts.

La majorité de ces raids ont été revendiqués par Boko Haram, un groupe islamiste qui réclame l'application de la charia (loi islamique) dans l'ensemble du pays.

Ces violences ne sont pas «une guerre de religion», mais répondent à des intérêts visant à la désintégration de la fédération, a déclaré le cardinal Anthony Olobunmi Okogie, archevêque de Lagos.

«Il n'y pas de guerre de religion en cours au Nigeria, mais une féroce persécution qui trouve ses sources dans des ambitions de pouvoir et des causes économiques. Ils veulent désintégrer la fédération, mais n'y réussiront pas», a-t-il indiqué dans une interview publiée par le site internet Vatican Insider.

Le pape Benoît XVI a pour sa part déploré lundi que l'objectif de la réconciliation et du respect de «toutes les ethnies et religions» soit encore lointain en Afrique, notamment au Nigeria.

Dimanche, Goodluck Jonathan a admis pour la première fois que Boko Haram disposait de soutiens et de sympathisants au sein du parlement, de la justice et des services de sécurité. Selon lui, les violences anti-chrétiennes actuelles sont «pires» que la guerre civile des années 60.