Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a condamné mercredi à la prison à vie les anciens dirigeants hutus du parti, aujourd'hui dissous, de l'ex-président Juvénal Habyarimana, pour leur rôle dans le génocide rwandais de 1994.

«La chambre condamne unanimement Matthieu Ngirumpatse», ancien président du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) «à l'emprisonnement à vie,» a déclaré le juge Dennis Byron. Il a répété la même condamnation à l'encontre de l'ex-vice-président du MRND, Édouard Karemera.

Les deux hommes ont été reconnus coupables de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Les trois juges du tribunal leur ont reproché de n'avoir ni prévenu ni condamné les exactions commises en 1994 par des jeunes du MRND, les Interahamwe.

Selon ce jugement, c'est à partir du 11 avril 1994 que «l'entreprise criminelle commune» visant à exterminer les Tutsis a pris corps. Ce jour-là et le lendemain, dit le jugement, des armes ont été distribuées à des Interahamwe à l'Hôtel des Diplomates à Kigali avec le consentement de M. Ngirumpatse.

«À cette étape du génocide, il était prévisible que ces armes allaient être utilisées pour tuer les Tutsis», ont écrit les trois magistrats dans leur jugement.

«Aussitôt après cette date, une entreprise criminelle commune a vu le jour, avec la participation de responsables du gouvernement intérimaire, de dirigeants politiques et de responsables des Interahamwe, d'hommes d'affaires influents», poursuit le texte. Elle s'est «poursuivie jusqu'à la mi-juillet 1994.»

Le jugement conclut aussi que le plan de défense civile lancé par le gouvernement intérimaire alors que l'armée fuyait devant les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR, aujourd'hui au pouvoir) ne visait qu'à poursuivre l'extermination des Tutsis.

Dans le cadre de ce plan, même des armes traditionnelles furent distribuées dans certaines parties du pays. Pour les juges, ces machettes et gourdins n'étaient pas destinés à faire face aux rebelles du FPR qui mettaient en déroute des militaires lourdement armés, mais à tuer les Tutsis.

Le jugement relève par ailleurs que, dans ses messages, le gouvernement intérimaire n'a jamais appelé la population à ne pas confondre les civils tutsis non armés avec les rebelles du FPR. Cela prouve «à tout le moins», aux yeux de la chambre, que ce gouvernement «approuvait implicitement» le génocide des Tutsis.

Le génocide, perpétré d'avril à juin 1994, a fait, selon l'ONU, environ 800 000 morts, dont l'immense majorité au sein de la minorité tutsi. L'attentat le 6 avril contre l'avion qui ramenait le président rwandais hutu Juvénal Habyarimana à Kigali avait servi de déclencheur aux massacres.