Le président réélu de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a reconnu lundi des «erreurs» lors de la présidentielle du 28 novembre, mais a estimé qu'elles n'invalidaient pas les résultats du scrutin, rejetés par l'opposition qui pourrait appeler à des «marches pacifiques» pour protester.

«Y a-t-il eu des fautes, des erreurs? Bien sûr, comme lors des autres élections sur le continent ou ailleurs. Mais cela jette-t-il un doute sur la crédibilité de ces élections? Je ne pense pas», a déclaré le président Kabila lors d'une conférence de presse à Kinshasa, selon la BBC qui y assistait.

Il s'agit de la première déclaration du chef de l'État sortant, depuis l'annonce vendredi de sa réélection, rejetée par l'opposition et qui a occasionné des violences ayant fait au moins quatre morts dans la capitale Kinshasa.

Après la mission d'observation du Centre Carter qui a jugé samedi que le processus électoral «manquait de crédibilité» en relevant des «irrégularités graves», c'est l'archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, qui a jugé lundi les résultats «non conformes à la vérité».

Selon la Commission électorale (CÉNI), Joseph Kabila a obtenu 48,95% des suffrages contre 32,33% à l'opposant Étienne Tshisekedi, qui a rejeté «en bloc» ces résultats et s'est autoproclamé «président élu» de la RDC.

Le camp Tshisekedi a indiqué lundi qu'il pourrait appeler à des «marches pacifiques» pour protester contre la réélection de Kabila, tout en souhaitant que la communauté internationale réponde à l'appel lancé vendredi par l'opposant pour «trouver une solution».

Dimanche, le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a jugé la situation «explosive» en RDC, en appelant à tout faire pour «éviter» la violence.

«Nous avons du mal à nous faire une idée précise de la façon dont ces élections se sont déroulées», a-t-il dit.

Lundi, le cardinal Monsengwo a jugé que les résultats n'étaient «conformes ni à la vérité ni à la justice.»

Les missions d'observation du scrutin par l'Église catholique, qui avait dépêché 35 000 observateurs, et les autres missions nationales et internationales «posent sérieusement une question de crédibilité de ces élections, comme vient de l'attester le rapport du Centre Carter», a déclaré Mgr Monsengwo.

L'ONG de l'ancien président américain Jimmy Carter a notamment relevé la perte de 3000 plis de résultats de bureaux de vote, représentant 850 000 électeurs, et de nombreux scores de 100% des voix obtenus par M. Kabila au Katanga (sud-est).

L'archevêque de Kinshasa a cependant demandé «aux contestataires d'interjeter appel (devant la Cour suprême de justice, CSJ), de recourir aux voies de droit et de ne pas se livrer à la violence. Dix-huit morts c'est trop!», a dénoncé le prélat, en citant le bilan des violences dans le pays entre le 26 et le 28 novembre, donnés par l'ONG Human Rights Watch.

À Kinshasa, après les violences de vendredi et samedi, la vie a repris timidement, mais la tension reste vive.

Les taxis sont plus nombreux, des commerces ont rouvert, mais pas encore les écoles.

Les forces de l'ordre quadrillent la capitale, -où l'armée est aussi présente, mais moins visible-, et continuent de disperser violemment les regroupements d'opposants et procède à des arrestations.

La police a présenté à des journalistes une vingtaine de personnes interpellées le matin même en possession d'une dizaine de cocktails Molotov, dans le quartier de Limete (est).

Certains ont été désignés comme des «combattants» (militants) de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti d'Étienne Tshisekedi, qui a son siège à Limete.

Régulièrement, les policiers dispersent les opposants réunis autour de l'UDPS, et investissent aussi des habitations voisines «où ils saccagent et volent les personnes», a affirmé un témoin à l'AFP.

Depuis lundi, la CSJ a pris le relais de la CÉNI pour examiner les éventuels recours des candidats et partis avant de proclamer officiellement samedi les résultats de la présidentielle.

M. Tshisekedi avait dit que «jamais» il ne recourrait à la CSJ, la qualifiant d'«institution privée de M. Kabila».

En revanche, l'opposant Vital Kamerhe, arrivé 3e de la présidentielle avec moins de 8% des suffrages, devait déposer lundi un recours devant la CSJ.

Il avait également rejeté le résultat de la CÉNI et reconnu la victoire de Tshisekedi.