L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, soupçonné de crimes contre l'humanité, a accusé l'armée française d'avoir orchestré son arrestation lors de sa première comparution lundi devant la Cour pénale internationale.

«J'ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises», a dit M. Gbagbo, premier ex-chef d'État remis à la Cour, soupçonné de crimes commis à la suite de l'élection présidentielle de novembre 2010.

«C'est l'armée française qui a fait le travail», a-t-il assuré, relatant pour la première fois son arrestation, lors de sa première comparution devant la CPI, entrée en fonction à La Haye en 2002.

Laurent Gbagbo est soupçonné d'être «coauteur indirect» de crimes contre l'humanité lors des violences post-électorales de 2010-2011, à savoir meurtre, viol, actes inhumains et persécution commis par ses forces entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.

Son refus de céder le pouvoir à son rival et actuel président Alassane Ouattara à la suite de la présidentielle de novembre 2010 avait plongé le pays dans une crise meurtrière qui avait fait 3000 morts.

Interrogé lundi par la présidente Silvia Fernandez de Gurmendi sur ses conditions de détention, l'ancien président ivoirien a assuré que celles-ci étaient «correctes», mais, a-t-il ajouté, «ce sont les conditions de mon arrestation qui le sont moins».

«Une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence (présidentielle, NDLR) pendant que les hélicoptères la bombardaient», a assuré M. Gbagbo, vêtu d'un costume sombre, d'une chemise blanche et portant une cravate bleue.

«J'ai vu devant moi mourir mon ministre de l'Intérieur», a-t-il poursuivi: «mon fils aîné est encore détenu en Côte d'Ivoire, je sais pas pourquoi on l'a arrêté, peut-être parce qu'il est mon fils, je l'ai vu battu».

Lors de l'audience de comparution initiale, qui a duré moins d'une trentaine de minutes, les juges ont vérifié l'identité du suspect et se sont assurés qu'il avait été informé clairement des charges portées contre lui et des droits que lui reconnaît le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour.

Laurent Gbagbo, 66 ans, détenu jusque-là en Côte d'Ivoire, avait été écroué mercredi dernier au centre de détention de la CPI, qui siège à La Haye.

«Je suis venu sans rien, sauf avec ma chemise et mon pantalon, sans rien du tout», a-t-il raconté, assurant qu'il n'avait pas été prévenu de son transfert à La Haye.

Sur ses conditions de détention en Côte d'Ivoire, l'ancien président a dit: «je ne savais ce qu'il se passait dans le ciel que quand il pleuvait sur le toit.»

«Maître Altit (son avocat, NDLR) est venu jusqu'à Korhogo pour me voir et on l'a empêché de me rencontrer. Ça a été tout le temps comme ça: une bataille entre mes avocats et mes geôliers», a-t-il soutenu.

«Si on m'accuse, c'est qu'il y a des éléments de preuve», a déclaré M. Gbagbo, qui était sous le coup d'un mandat sous scellés émis le 23 novembre et rendu public le 30 novembre: «je veux voir ces éléments de preuve et les confronter à ma vérité à moi».

La juge présidente a annoncé que la prochaine audience aurait lieu le 18 juin 2012.

À l'issue de cette audience de confirmation des charges, les juges devront déterminer si les preuves rassemblées par l'accusation sont suffisamment solides pour la tenue d'un procès.

Le procureur sortant Luis Moreno-Ocampo, autorisé début octobre à enquêter en Côte d'Ivoire, avait assuré mercredi que Laurent Gbagbo ne serait «pas le dernier» à devoir rendre des comptes, rappelant que, selon lui, des crimes ont également commis par le camp Ouattara.