On a tiré à bout portant sur Hassan Mohamed Ali il y a quelques semaines à Bossasso, en Somalie. Son crime? Exercer le métier de journaliste. Dans ce pays, on risque sa vie tous les jours au nom de la liberté de la presse. Le travail pour les journalistes étrangers de passage n'est pas non plus sans risque. Notre envoyé spécial en a lui-même fait l'expérience. Pour écrire les textes que nous publions ces jours-ci, il a dû être escorté en permanence, sur le terrain, par plusieurs gardes du corps qui ont assuré sa sécurité.

Le journaliste Hassan Mohamed Ali savourait un thé en septembre dans un commerce situé non loin de la radio où il travaille, à Bossasso, dans le nord-est de la Somalie, lorsqu'il a soudainement senti une pression dans le haut du dos.

«Un homme pointait un pistolet sur moi... Je me suis levé en catastrophe pour me précipiter vers la porte d'entrée tandis qu'il ouvrait le feu», relate l'homme de 42 ans, finalement touché à deux reprises.

«J'ai été très chanceux. La première balle visait le coeur mais elle est passée à côté», indique-t-il.

Réfugié à Mogadiscio, où il recevait des traitements, le journaliste a pris peur il y a quelques jours lorsqu'un homme a été tué à côté de sa résidence. Le drame, même s'il ne le concernait pas, l'a convaincu de trouver refuge dans les bureaux de l'association nationale des journalistes somaliens.

Shebab et gouvernement

«Comme il n'y a pas de sécurité, je ne pouvais pas rester là», relate Hassan Mohamed Ali, qui pense avoir été ciblé par les shebab, de redoutés miliciens islamistes.

Située dans la région semi-autonome du Puntland, Bossasso est une ville portuaire qui présente un triste bilan en matière de liberté de la presse. Tant les shebab que le gouvernement local y exercent une forte pression sur les journalistes.

Le scénario se répète un peu partout dans le pays. Les menaces des islamistes, qui transforment en outils de propagande les médias qui tombent sous leur contrôle, arrivent régulièrement sous forme de messages textes ou d'appels anonymes.

Le gouvernement transitoire établi dans la capitale sait aussi se montrer menaçant, relate le secrétaire général de la fédération des journalistes somaliens, Mohamed Ibrahim Isak, qui travaille pour le New York Times.

Le journaliste de 34 ans affirme avoir été obligé de se réfugier au Kenya pendant plusieurs semaines à l'été 2010 après avoir contribué à une enquête sur l'utilisation d'enfants soldats par les forces gouvernementales.

Tom Rhodes, qui dirige la section est africaine du Comité pour la protection des journalistes, note que plusieurs journalistes expérimentés ont quitté le pays.

Devoir de témoigner

C'est le cas de Mohamed Olad Hassan, qui a obtenu un contrat d'un an à Washington pour la radio Voice of America. «J'avais besoin de me reposer un peu du chaos et de la violence», explique-t-il en entrevue téléphonique à partir des États-Unis.

Il y a quelques années, l'homme de 34 ans a survécu quasiment par miracle à un attentat suicide lancé par les shebab contre un hôtel de Mogadiscio. Des dizaines de personnes ont été tuées.

«J'étais comme un mort vivant. Quand j'ai réussi à enlever la poussière de mon visage, je me suis rendu compte que je marchais sur les corps de collègues tués», relate-t-il.

Bien que la vie à Washington soit autrement plus paisible, Mohamed Olad Hassan ne veut pas rester longtemps loin de sa terre natale. Il doit revenir à Mogadiscio avec sa famille en janvier.

«Je ne veux pas abandonner mon pays et permettre que les épreuves vécues par la population soient passées sous silence», dit-il.