Des avions kenyans ont bombardé mercredi des rebelles islamistes dans l'ouest de la Somalie, et Paris a annoncé la mort d'une otage dont le rapt récent avait incité Nairobi à lancer une intervention d'envergure chez son voisin.

Selon les responsables kényans, des troupes de Nairobi qui ont traversé la frontière le 15 octobre ont atteint la ville de Qoqani, à une centaine de km à l'intérieur de la Somalie, privée de grouvernement effectif depuis 1991.

Selon le porte-parole de l'armée kényane, le commandant Emmanuel Chirchir: «Nos avions sont impliqués dans les opérations».

Il n'a pas donné de détail sur les effectifs engagés dans cette mission, la première annoncée officiellement par le Kenya en Somalie, mais selon des analystes au moins 2000 soldats ont été mobilisés.

Selon des témoins, les frappes kenyanes étaient intenses et ont visé des positions des shebab, les milices islamistes en rébellion contre le gouvernement transitoire de Mogadiscio et qui se réclament d'Al-Qaïda.

Aucun bilan de ces bombardements n'était disponible, mais selon Nairobi, les rebelles shebab ont eu plus de 70 tués dans leurs rangs depuis le début de cette opération dans la province somalienne du Bas Juba.

Les militaires kényans ont reconnu avoir perdu un hélicoptère, avec à son bord cinq membres d'équipage, dans un incident décrit comme un accident. Selon une source policière dans la ville kényane de Garissa (est), les pertes kényanes seraient plus lourdes.

L'opération kényane est intervenue après que Nairobi eut accusé les shebab d'être responsables d'au moins quatre rapts d'étrangers au Kenya depuis le début du mois de septembre.

Une des victimes de ces enlèvements, une Française de 66 ans, est morte, a annoncé mercredi le ministère français des Affaires étrangères. Marie Dedieu souffrait d'insuffisance cardiaque et avait vu sa mobilité réduite dans un grave accident. Elle ne se déplaçait qu'en fauteuil roulant.

«Les contacts à travers lesquels le gouvernement français cherchait à obtenir la libération de Marie Dedieu, retenue en Somalie depuis le 1er octobre, nous ont annoncé son décès sans que nous puissions en préciser la date, ni les circonstances», a-t-il déclaré.

Les shebab avaient nié toute implication dans l'enlèvement de Marie Dedieu, tout comme dans ceux, intervenus récemment, de deux Espagnoles, Montserrat Serra et Blanca Thiebaut, et d'une Britannique, Judith Tebbutt.

Le Kenya, qui craint que ces rapts ne nuisent notamment à son image de destination touristique sûre, a lancé son opération avec la ferme intention d'éliminer les groupes rebelles somaliens qui agissent en toute impunité de l'autre côté de la frontière.

L'armée kényane, guidée par des forces pro-gouvernementales somaliennes, a assuré être déterminée à pousser son avantage sur le terrain, et s'apprête à faire mouvement vers la localité d'Afmadow, à quelques dizaines de kilomètres à l'est de Qoqani.

Nairobi qui n'a jamais officiellement mené une opération de ce type sur le territoire de son voisin et le gouvernement somalien de transition (TFG) ont signé mardi un accord de coopération militaire.

Le Kenya a également reçu l'appui de Kampala. L'Ouganda fournit la majorité des hommes de la force de l'Union africaine en Somalie, qui intervient en soutien du TFG.

Un antécédent éthiopien

Depuis dimanche, les shebab, ont multiplié les menaces de représailles, disant vouloir combattre «sur tous les fronts» le Kenya où vit une importante communauté somalienne.

Le Kenya avait jusqu'ici trouvé un équilibre opératoire avec les shebab, soulignent des analystes. Les rebelles qui s'en servent comme base logistique et financière, lui ont épargné toute attaque d'envergure.

Désormais, les forces de sécurités kényanes envisagent «une opération majeure pour se débarrasser des shebab dans Nairobi», a indiqué le ministre adjoint de la Sécurité interne, Orwa Ojode.

Nairobi n'a pas donné d'indication sur la durée de son intervention, mais des analystes mettent en garde contre un risque d'enlisement.

La dernière intervention unilatérale d'un pays de la région en Somalie remonte à celle de l'Ethiopie en 2006.

Addis Abeba avait déployé des dizaines de milliers d'hommes pendant deux ans, sans jamais atteindre son but: restaurer une autorité centrale à Mogadiscio. L'opération avait même créé les conditions de l'émergence du mouvement shebab.