Officiellement à la retraite, l'archevêque Desmond Tutu célèbre vendredi ses 80 ans avec des festivités dont l'ancien génie de la lutte anti-apartheid a su faire un événement ultra-politique en invitant le dalaï lama, un hôte encombrant pour l'Afrique du Sud qui tarde à donner le visa.

Trois jours de fête sont au programme, avec en préambule la sortie lundi d'une biographie: Tutu: un portrait autorisé, co-écrite par Mpho Tutu, la plus jeune fille de l'archevêque et Allister Sparks, 78 ans, grande plume du journalisme sud-africain et témoin privilégié de la lutte de libération des Noirs.

Toujours aussi combatif, Desmond Tutu a planté une belle épine dans le pied du gouvernement sud-africain en invitant le dalaï lama. Pretoria est devant un dilemme: ou bien il offense Tutu, considéré avec Nelson Mandela comme la conscience morale du pays, ou bien il froisse les Chinois en acceptant la venue du chef spirituel tibétain dont Pékin s'active à empêcher toutes les visites à l'étranger.

En 2009, l'Afrique du Sud du président Jacob Zuma lui avait déjà refusé un visa. Elle avait ensuite indiqué qu'il serait le bienvenu en une autre occasion.

Le dalaï lama était déjà venu en 1996, accueilli alors par Nelson Mandela, président de la jeune Afrique du Sud démocratique.

L'archevêque anglican a entamé les démarches dès le mois de juin pour faire venir le Nobel de la paix tibétain à son anniversaire. Depuis le 20 septembre, les autorités sud-africaines n'ont plus qu'à tamponner son passeport, mais les choses traînent.

«Cela jette une lumière négative inutile sur ce qui devait être une fête», déplore à l'AFP Dumisa Ntsebeza, président du Centre Desmond Tutu pour la paix.

«Seule la présence du dalaï lama pour qu'il puisse délivrer son message en Afrique du Sud à l'anniversaire de Tutu est acceptable. C'est très malheureux», a-t-il ajouté.

Le dalaï lama est censé inaugurer la première conférence internationale Desmond Tutu pour la paix le 8 octobre.

La veille, un service religieux sera célébré en la cathédrale anglicane St Georges du Cap où Tutu avait l'habitude de prêcher pour une démocratie transcendant toutes les races, suivi d'un grand pique-nique.

La liste des invités est tenue secrète pour l'instant, mais le Nobel de la paix 1984 ne manque pas d'amis, célèbres et engagés, allant du président américain Barack Obama au rocker irlandais Bono.

Le dalaï lama est également censé venir à Johannesburg pour parler de la non-violence le 12 octobre à la grande université de Witwatersrand.

Dans le cas où il ne pourrait pas venir au Cap le 8, la meilleure alternative serait une télé-conférence vidéo s'il est d'accord.

Pour Desmond Tutu, il est la personne idéale, après les événements du printemps arabe, pour «parler du pouvoir et de la nécessité des mesures de paix pour apporter le changement», selon M. Ntsebeza.

«On ne peut pas se contenter de se mettre à genoux, il est temps de nous relever et de dire aux Chinois "merci beaucoup, nous sommes conscients de vos préoccupations mais cette fois, nous allons délivrer le visa"», a-t-il ajouté.