Tonitruant président de la Ligue de jeunesse de l'ANC, Julius Malema comparaît mardi devant le conseil de discipline du parti, où il risque l'exclusion pour ses déclarations marquées du sceau de l'anti-occidentalisme et même à l'occasion d'un racisme «anti-blanc».

À trente ans, ce tribun aux accents populistes a déjà atteint une forme de sommet dans sa carrière politique. À force de provocations et de discours contraires à la ligne du parti, il a acquis une stature «d'opposant de l'intérieur» à l'ANC, la formation qui dirige l'Afrique du Sud depuis la fin de l'apartheid en 1994.

«Je ne suis pas paniqué à l'idée d'aller devant cette commission de discipline. Cette audition disciplinaire n'est pas la fin de la route», a-t-il lancé lundi, sûr de son fait, au cours d'une conférence de presse retransmise en direct par la principale chaîne d'informations du pays.

Depuis longtemps, Malema fait la une des journaux pour ses prises de position. Il réclame sans relâche la nationalisation sans compensation des mines et des banques, de même que la saisie des terres agricoles tenues par les Blancs.

Il a déjà comparu devant la justice pour avoir remis à l'honneur dans ses meetings une chanson de l'époque de l'apartheid appelant à «tuer le boer» (fermier blanc).

Volontiers anti-occidental, il a qualifié les Américains d'«impérialistes assoiffés de sang» après l'intervention de l'OTAN en Libye.

Tout récemment, son fastueux train de vie lui a valu d'abord la suspicion de la presse, avant que la justice n'ouvre une enquête, actuellement en cours, sur des soupçons de corruption dans des appels d'offres dont auraient bénéficié des sociétés auxquelles il est lié.

Début août, il a appelé à un renversement de régime au Botswana voisin, traitant l'actuel président Ian Khama de «marionnette des Américains», et mettant la diplomatie sud-africaine dans l'embarras.

C'est pour cette dernière incartade qu'il a finalement été convoqué en conseil de discipline mardi.

Sur le fond des accusations, Malema a été clair. Selon lui, les opinions qu'il défend ne disparaîtront pas s'il est expulsé du parti. Et de souligner à l'adresse de l'ANC: «Une fois que j'ai pris une décision, je ne reviens pas en arrière. Je m'y tiens à fond».

«Nous avons toujours soutenu que l'ANC était notre avenir. Si l'avenir, c'est d'être expulsé, qu'il en soit ainsi», a-t-il ajouté.

La durée des auditions, qui se tiendront à huis clos, n'a pas été précisée. S'il est jugé coupable, Julius Malema risque l'exclusion du parti, de même que ses principaux lieutenants. La presse sud-africaine a même évoqué une possible dissolution de la Ligue de jeunesse.

Dès lundi, la Ligue avait appelé ses adhérents à manifester devant le siège du parti, pour soutenir Malema. Certains prévoyaient de passer la nuit devant le siège de l'ANC en signe de soutien à leur leader.

L'homme a longtemps été considéré comme un personnage assez folklorique. Mais son insistance, son exposition médiatique et ses liens avec le pouvoir ont fini par inquiéter sérieusement tant les milieux économiques qu'une bonne partie de la population blanche, et maintenant la direction de l'ANC.

Il a fait tout son parcours dans les rangs du parti qui lui a permis de sortir de sa township misérable, et lui a même donné une formation paramilitaire. Jusqu'à son arrivée à la tête de la Ligue de jeunesse, en 2008.

Il courtise les laissés pour compte de l'Afrique du Sud post-apartheid, ces millions de Noirs sans travail à qui il promet la redistribution des richesses du pays. À cet égard, il sert de soupape de sécurité pour une ANC qui doit gérer les frustrations de sa base.

Il critique volontiers les habitants de Sandton, le nouveau centre d'affaires de Johannesburg, mais il y habite. Et explique qu'il faut vivre dans le capitalisme pour mieux le combattre.