Dans un discours du trône très attendu face aux revendications de réformes qui secouent le Maroc et le monde arabe, le roi Mohammed VI s'est prononcé samedi pour des élections législatives rapides et en faveur d'une réouverture des frontières et d'une normalisation avec l'Algérie.

Dans ce discours prononcé à Tanger, dans le nord du Maroc, pour le 12e anniversaire de son intronisation, le roi a appelé à l'élection rapide d'un nouveau parlement pour qu'un futur Premier ministre soit nommé au sein du parti vainqueur des prochaines élections.

Une révision constitutionnelle renforçant les pouvoirs du Premier ministre tout en préservant la prééminence du souverain a été adoptée à plus de 98% des Marocains lors d'un référendum organisé le 1er juillet après plusieurs mois de manifestations de rue pacifiques.

«Il importe de commencer par l'élection de la nouvelle Chambre des représentants, pour que nous procédions, sur la base des résultats du scrutin y afférent (...) à la nomination du chef de gouvernement, au sein du parti qui sera arrivé en tête de ces élections», a déclaré le roi.

Il n'a pas précisé de calendrier pour ces législatives, dont la date est négociée entre le ministère de l'Intérieur et les partis, mais a averti que «tout atermoiement risque d'hypothéquer cette dynamique de confiance et de dilapider les opportunités qu'offre la nouvelle réforme».

Des responsables de partis politiques ont réagi en estimant que le plus important était de bien préparer les élections.

«L'actuelle législature expire en principe fin 2012 et aucune disposition de la nouvelle constitution ne nous oblige à procéder à des élections anticipées», selon Saad Eddine Othmani, député et membre dirigeant du parti Justice et développement (PJD, opposition islamiste).

«Le plus important n'est pas de préparer "rapidement" les élections. Il faut surtout "bien" les préparer. Le ministère de l'Intérieur nous a proposé octobre prochain comme date des élections, mais nous avons refusé. Nous pensons que mars 2012 serait une bonne date», ajoute-t-il.

«Nous sommes favorables à des élections anticipées pour rompre avec l'immobilisme actuel, même si le fait de les tenir en octobre prochain nous paraît un peu court», a déclaré pour sa part Hassan Tarik, membre du Bureau politique de l'Union socialiste de forces politiques (USFP, coalition gouvernementale).

Le souverain a également souhaité la formation prochaine d'un «nouveau gouvernement issu d'une majorité parlementaire solidaire et homogène».

Le souverain a aussi appelé les partis politiques «à redoubler d'efforts pour favoriser la réconciliation des citoyens, surtout les jeunes, avec l'action politique».

Les jeunes et les islamistes forment le gros des contestataires pro-démocratie. Malgré l'adoption de la réforme constitutionnelle, les jeunes du Mouvement du 20 février continuent de manifester régulièrement pour des changements politiques «profonds».

Sur le plan diplomatique, Mohammed VI s'est dit favorable à l'ouverture des frontières terrestres avec l'Algérie, fermées depuis 1994, et à l'établissement «d'une nouvelle dynamique» entre les deux voisins.

«Nous tenons à l'amorce d'une nouvelle dynamique ouverte sur le règlement de tous les problèmes en suspens, en prélude à une normalisation totale des relations bilatérales (...) y compris la réouverture des frontières terrestres», a dit le roi.

Cette frontière entre le Maroc et l'Algérie a été fermée en 1994 à la suite d'un attentat islamiste à Marrakech (sud du Maroc) que Rabat avait imputé aux services secrets algériens.

«Cette démarche exclut tout immobilisme ou ostracisme incompatible avec les liens de bon voisinage, l'impératif d'intégration maghrébine et avec les attentes de la communauté internationale et de notre espace régional», a poursuivi Mohammed VI.

Dans un message adressé samedi à Mohammed VI, avant le discours du trône, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a salué l'adoption de la nouvelle constitution et les réformes démocratiques.

Rabat et Alger ont échangé au cours des derniers mois des visites de ministres, laissant augurer d'un réchauffement de leurs relations, longtemps contrariées par le problème toujours non résolu du Sahara Occidental.

Le Maroc a annexé l'ex-colonie espagnole en 1975 et propose aux Sahraouis l'autonomie sous sa souveraineté.

Le Front Polisario, soutenu par Alger, réclame un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU, qui donnerait aux Sahraouis le choix entre trois options: indépendance, autonomie sous souveraineté marocaine ou rattachement au Maroc.