Le durcissement progressif du régime du président Bingu wa Mutharika, conjugué aux pénuries qui accablent une population pauvre, est la cause première des émeutes qui viennent d'endeuiller le Malawi, estiment des analystes.

Élu chef de l'État en 2004, réélu avec 2/3 des voix en 2009, M. Mutharika, 77 ans, est désormais la cible de toutes les critiques, après la répression violente par les forces de l'ordre des troubles de mercredi, qui a fait 19 morts parmi les manifestants et une centaine de blessés.

Samedi, le calme était revenu dans les villes et l'armée, déployée la veille, a regagné ses casernes. Un nouveau chef de l'armée, le général Henry Odillo, a été désigné par le Président. Il a pris immédiatement ses fonctions, a annoncé à la radio d'État vendredi soir. Selon le ministre de l'information, ce remplacement était prévu. Il intervient quelques jours après que la troupe se soit déployée dans les rues pour calmer les émeutes.

«Le comportement de notre président ressemble à celui de (l'ancien dictateur) Kamuzu Banda et rappelle aux Malawites ce qu'ils ont enduré à l'époque», entre 1964 et 1994, affirme John Kapito, président de la Commission des droits de l'homme du Malawi. «C'est pour cela que je pense que nous nous soulevons».

«Ces dernières années», confirme Olmo von Meigenfeldt, politologue à l'Institut africain pour la Démocratie (basé en Afrique du Sud), «Mutharika a fait adopter plusieurs lois pour supprimer ou diminuer des libertés fondamentales, et nous assistons actuellement à un retour de bâton».

Les Malawites, poursuit-il, n'acceptent plus l'idée d'un retour vers «un pouvoir répressif et dictatorial».

Mi-juillet, avant même le déclenchement des violences, la Grande-Bretagne avait suspendu son aide au gouvernement de Lilongwe en lui reprochant de réprimer les manifestations, d'intimider les organisations de la société civile et de légiférer pour bâillonner l'opposition.

«C'est un moment triste pour nous, Malawites», soupire John Kapito, «parce que nous assistons à un déclin de tout ce que nous avons bâti depuis des années» en matière de droits de l'homme.

À l'heure du bilan, les journaux estimaient que le président avait perdu le contact avec son peuple.



Malawi News, un quotidien propriété de la famille de l'ex-dictateur Kamuzu Banda, demandait au pouvoir de reconnaître ses propres responsabilités. «Le gouvernement doit sortir de l'état de déni de réalité dans lequel il s'est enfermé. Il est temps d'arrêter de chercher des boucs émissaires pour toutes les erreurs qu'il a commises».

Même tonalité dans The Nation: «Après le bain de sang (...), on peut espérer que le gouvernement sorte de sa somnolence et reconnaisse que le pays est confronté à de sérieux problèmes», écrivait l'éditorialiste.

À la veille des émeutes, le président Mutharika avait affirmé à l'AFP que «le Malawi est une success story». Semblant ignorer les souffrances quotidiennes de la population et la paralysie de l'activité économique provoquées par deux mois d'une grave pénurie de carburant, conséquence d'un assèchement des réserves en dollars du pays.

Pas certain, d'ailleurs, que le chef de l'État ait entendu le message de la rue, si l'on en juge par le discours agressif prononcé vendredi, où il menaçait les manifestants de «la colère du gouvernement (...) s'ils osaient à nouveau descendre dans la rue».

«Le Malawi a parlé d'une voix forte et unie mercredi dernier», lui répondait samedi The Nation, «et le gouvernement ferait une erreur s'il ne tenait pas compte des problèmes exposés».

Interrogé sur la contagion en Afrique des révoltes démocratiques du monde arabe, Olmo von Meigenfeldt, de l'Institut pour la Démocratie, mettait en garde contre une interprétation trop politique des événements.

Selon lui, ce sont d'abord les pénuries et la flambée des prix de l'alimentation qui ont nourri la colère.