Les rebelles islamistes shebab refusent toujours d'ouvrir les portes à certaines organisations humanitaires importantes  dans les zones somaliennes qu'ils contrôlent, a affirmé vendredi leur porte-parole, niant que ces régions étaient frappées de famine comme le déclare l'ONU.

Mais les Nations unies n'entendent pas baisser les bras, et comptent aider, «là où cela est possible», les victimes de la pire sécheresse en des décennies dans la Corne de l'Afrique.

À partir de 2009, les shebab, engagés dans un sanglant combat contre le gouvernement de transition somalien soutenu par la communauté occidentale, avaient interdit à plusieurs organisations humanitaires de travailler dans les zones sous leur contrôle - l'essentiel du sud et du centre du pays.

Le groupe, affilié à Al-Qaïda, les accusait notamment d'avoir des motivations politiques. Les problèmes sécuritaires, ajoutés à l'imposition de conditions de travail jugées inacceptables, avaient au bout du compte poussé nombre d'humanitaires au départ.

«Les groupes interdits précédemment ne sont pas les bienvenus pour travailler dans les zones sous notre contrôle», a déclaré vendredi Sheik Ali Mohamud Rage, porte-parole des shebab, sur une radio somalienne.

Parmi les organisations interdites figurait le Programme alimentaire mondial (PAM). L'agence onusienne avait cessé début 2010 ses opérations dans les régions sous contrôle islamiste, en raison notamment des risques pesant sur ses équipes. Il avait toutefois maintenu une présence en Somalie, notamment dans la capitale Mogadiscio.

Le PAM continue aujourd'hui de réfléchir à la façon de travailler partout il le peut dans le pays, estimant que les shebab ne sont pas une organisation monolithique.

«Une des difficultés que nous avons toujours eues est de savoir si les déclarations en provenance du sud de la Somalie s'appliquent à l'organisation (shebab) en tant que telle ou si elles sont le point de vue d'individus ou de groupes,» a réagi depuis Rome le porte-parole de l'agence, Greg Barrow.

D'autres agences, comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) ont également indiqué continuer à travailler dans le pays, malgré les problèmes de sécurité ou de restrictions d'accès.

Une gravissime sécheresse frappe, selon les Nations unies, quelque 12 millions de personnes dans la Corne de l'Afrique. En Somalie, la crise, aggravée par les conflits incessants, a poussé l'ONU à déclarer mercredi l'état de famine dans deux régions du sud sous contrôle shebab - le sud de Bakool et Lower Shabelle.

«Il y a une sécheresse en Somalie, mais pas de famine, ce qui est déclaré par l'ONU est faux à 100%», a rejeté vendredi Sheik Ali Mohamud Rage. Selon lui, la «déclaration de famine est politique et contient des intentions cachées».

Pour les groupes humanitaires, la situation ne cesse pourtant de s'aggraver en Somalie, mais aussi en Éthiopie et au Kenya voisins où les réfugiés de la sécheresse et des conflits fuient par milliers dans des camps déjà surpeuplés.

Vendredi, Médecins sans frontières (MSF) a appelé «toutes les parties en Somalie, les pays voisins et la communauté internationale à améliorer de façon significative l'aide à la population somalienne dans la région».

L'ONG demande aussi la levée des restrictions qui pèsent sur «les mouvements des travailleurs humanitaires internationaux et sur les voies de ravitaillement de leurs organisations». Ces restrictions, dit-elle, «retardent et limitent l'aide disponible pour la population».

Les agences de l'ONU et les ONG ont multiplié ces dernières semaines les appels à la mobilisation en faveur de la Corne de l'Afrique.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a chiffré à 1,6 milliard de dollars les besoins pour l'aide humanitaire à la Somalie. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, l'Afrique du Sud ont déjà promis des millions de dollars pour la région.

Ce week-end, avant une réunion d'urgence sur la Somalie de l'Organisation de l'ONU pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), la commissaire européenne à l'aide humanitaire, Kristalina Georgieva, et la directrice du PAM, Josette Sheeran, doivent visiter les camps de réfugiés de Dabaad, dans l'est du Kenya.