L'armée et des forces de sécurité soudanaises ont mené des attaques systématiques sur des civils Nuba au Kordofan-Sud qui pourraient constituer des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, selon un rapport non publié de l'ONU dont l'AFP a obtenu une copie.

Ce document de 19 pages évoque des cas où l'armée aurait attaqué des civils et des églises, procédé à des exécutions sommaires et des tortures, et bombardé des cibles civiles, avec la volonté d'«anéantir la population Nuba».

«Les actes décrits dans ce rapport (...), s'ils sont prouvés, peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité», estime le rapport commandé par des membres du Conseil de sécurité et élaboré par la branche humanitaire de la Mission de l'ONU au Soudan (Minus) à partir de nombreux témoignages.

«Les conséquences des bombardements (aériens actuels) contre le peuple Nuba et en particulier les civils (...) sont dévastatrices», dénonce le rapport rédigé fin juin. La Minus «a reçu des photographies de corps de civils mutilés, certains coupés en deux, y compris des femmes et des enfants».

Le porte-parole de l'armée soudanaise n'était pas disponible pour répondre dans l'immédiat aux accusations.

Depuis le 5 juin, des affrontements opposent l'armée du président Omar el-Béchir à des membres nordistes de l'ancienne armée rebelle sudiste au Kordofan-Sud, un État ethniquement divisé qui a été un champ de bataille pendant la guerre civile entre le Nord et le Sud (1983-2005).

Des chefs religieux et des militants accusent Khartoum, qui dément, de procéder au Kordofan-sud à un «nettoyage ethnique» contre les Nuba, qui se sont battus du côté des Sudistes pendant la guerre civile ayant abouti à l'indépendance du Soudan du Sud le 9 juillet.

Selon l'ONU, le conflit a forcé au moins 73 000 personnes à fuir, mais le nombre exact de morts et de réfugiés est impossible à vérifier compte tenu des restrictions de mouvement imposées aux agences de l'ONU et aux organisations non-gouvernementales.

Le rapport évoque au moins 37 cas d'assassinats extra-judiciaires, tout en précisant que la réalité pourrait être bien supérieure.

«Un membre du personnel de la Minus, qui a été détenu par l'armée soudanaise dans une prison d'Umbattah a raconté avoir vu (...) environ 150 corps de Nubas disséminés sur le sol dans l'enceinte militaire (...). Un soldat lui a dit qu'ils avaient tous été exécutés», a ainsi expliqué le rapport.

Le président soudanais Omar el-Béchir a promis mardi que son gouvernement allait notamment «se concentrer sur le développement» du Kordofan-Sud, alors que dans le même temps, l'ONU faisait état d'intenses bombardements et de tirs en différents endroits dans cet État.

Le rapport signale aussi que des observateurs militaires de la Minus ont été menacés d'exécution le 16 juin, alors qu'ils tentaient de vérifier l'existence de charniers à Kadougli, la capitale du Kordofan-Sud. «Ils ont été arrêtés et obligés de se déshabiller. Ils pensaient qu'ils allaient être exécutés quand un haut gradé de l'armée est intervenu», explique le rapport.

Des observateurs américains s'appuyant sur des témoignages et des images satellite ont annoncé jeudi avoir découvert près de Kadougli un charnier où seraient enterrées une centaine de personnes tuées dans des combats en juin.