Elle a lancé un mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir mais celui-ci la défie en continuant de voyager à travers le monde: la Cour pénale internationale (CPI) doit compter sur la bonne volonté des États pour l'arrestation du président soudanais.

Sous le coup de mandats d'arrêt pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre au Darfour, Omar el-Béchir est rentré vendredi au Soudan à l'issue d'une visite officielle de trois jours en Chine, effectuée en grande pompe.

Les États-Unis ont exprimé leur réprobation, la Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, sa «déception» mais le président soudanais n'a pas été le moins du monde inquiété en Chine.

Face aux critiques, Pékin a rappelé qu'il n'avait pas signé le Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour, ratifié par 116 pays qui se sont ainsi engagés à coopérer avec elle.

«La Chine est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies qui a saisi le procureur de la situation au Darfour : il aurait été logique qu'elle soutienne ce que le Conseil a demandé», souligne Fadi el-Abdallah, juriste de la section information de la CPI.

«La Chine vend au Soudan des armes qui sont utilisées au Darfour, et y cherche du pétrole: elle privilégie ses intérêts économiques en Afrique sur toute autre considération», fait remarquer de son côté une source proche de l'ONU.

La CPI, qui ne dispose pas d'une force de police, avait délivré lundi son second mandat d'arrêt contre un chef d'État en exercice, le colonel libyen Mouammar Kadhafi, pour des crimes contre l'humanité commis depuis l'éclatement de la révolte en Libye mi-février.

Depuis qu'un premier mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre a été lancé contre lui en 2009, Omar el-Béchir s'est rendu à l'étranger à de nombreuses reprises. À Djibouti, récemment, mais aussi au Kenya et au Tchad, trois pays pourtant signataire au Statut de Rome.

À chaque fois, les juges de la CPI ont «informé» le Conseil de sécurité et l'Assemblée des États partis, afin que «toute mesure appropriée» puisse être prise par leurs membres. «Il n'y a pas eu de suite jusqu'à maintenant», reconnaît Fadi el-Abdallah.

«Nous avons de plus en plus de rapports positifs avec les États, y compris ceux non-signataire au Statut de Rome», assure toutefois le juriste en citant le cas de la Libye.

La résolution du Conseil de sécurité référant la situation en Libye à la CPI a été adoptée à l'unanimité alors que dans le cas du Soudan, cela avait été seulement à la majorité, souligne-t-il.

«L'arrestation d'Omar el-Bechir n'est pas du domaine du miracle, mais de la stratégie», relève la source proche de l'ONU: «il faut mobiliser des services de renseignements, avoir une volonté politique, des moyens financiers et militaires si nécessaires, c'est comme ça que cela s'était passé pour les arrestations en ex-Yougoslavie», assure-t-elle.

«Le calendrier dépend de la mobilisation de la communauté internationale, il n'y a pas de recette magique», affirme de son côté une source au bureau du procureur .

Le Kenya avait reconnu avoir commis «une erreur» en invitant M. Bechir à la cérémonie de promulgation de la nouvelle Constitution du Kenya, en août 2010.

«Ils ont invité Béchir une fois et ne le referont plus: ils se sont fait «assassiner» par les États-Unis et leurs ambassadeurs ont été convoqués dans toutes les capitales européennes», souligne la source proche de l'ONU.

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